Face aux turbulences sur les marchés, l'Allemagne a appelé vendredi à une interdiction à l'échelle européenne des ventes à découvert, une pratique qui vient d'être restreinte dans plusieurs pays et que Bruxelles souhaite mieux encadrer, malgré les réticences britanniques.
"Nous nous engageons pour une interdiction substantielle des ventes à découvert en Europe", a affirmé vendredi le ministère allemand de l'Economie, y voyant la seule manière de "contrer de manière convaincante la spéculation destructive".
En pointe sur l'interdiction des ventes à découvert, Berlin a défendu sa position après que quatre pays européens --la France, l'Italie, l'Espagne et la Belgique-- ont décidé d'interdire cette pratique sur certaines valeurs financières.
Annoncée jeudi soir, cette mesure a été prise par les régulateurs boursiers nationaux type AMF en France, pour au moins quinze jours, et uniquement sur les actions en Bourse du secteur financier. Plus tôt dans la semaine, la Grèce avait pris la même mesure pour une durée de deux mois au moins.
Si ces décisions ont été saluées, la proposition allemande suscite en revanche des remous.
Les autorités britanniques ont immédiatement fait savoir qu'un tel projet n'était pas d'actualité, estimant que son régime actuel était suffisamment transparent. Londres et son épicentre financier, la City, risqueraient d'être lourdement pénalisés par une interdiction des ventes à découvert en Europe.
Cette pratique financière, déjà mise en cause pendant la crise financière de 2008 et aux débuts de la crise de la dette, consiste à emprunter un actif dont on pense que le prix va baisser et à le vendre, avec l'espoir d'empocher une différence au moment où il faudra le racheter pour le rendre au prêteur.
Elles peuvent prendre une forme plus poussée, dites "ventes à nu" quand l'investisseur vend un titre qu'il ne possède pas, ce que dénonce vivement Berlin. Preuve en est: les ventes à nu sont tout simplement interdites en Allemagne sur toutes les valeurs cotées depuis mai 2010.
Malgré le volontarisme allemand, de nombreux pays européens n'envisagent pas de bouger actuellement. Aux Pays-Bas, par exemple l'autorité des marchés financiers ne voit "en ce moment aucune raison d'adopter des mesures supplémentaires contre les ventes à découvert sur le marché néerlandais".
Et de rappeler que cette pratique a une utilité pour le marché: elle améliore sa liquidité (la facilité des échanges) et joue un rôle important dans la formation des prix. A condition toutefois d'avoir des "conditions de marché normales".
Consciente de ces enjeux, la Commission européenne avait fait des propositions en septembre 2010 pour créer un cadre harmonisé sur les ventes à découvert.
Mais rien d'aussi poussé que le veulent les Allemands. En premier lieu, car l'interdiction des ventes à découvert est actuellement du ressort des régulateurs nationaux et non du régulateur européen, l'ESMA, qui fait office de coordinateur.
"Les négociations ont beaucoup avancé. Nous sommes tout près d'un accord et le commissaire Michel Barnier appelle à un compromis pour qu'un accord soit trouvé en septembre", a indiqué vendredi une porte-parole de la Commission européenne.
Dans le détail, il s'agirait de donner le pouvoir aux autorités de marché nationales d'interdire les ventes à découvert, certains ne pouvant pas le faire actuellement. Autre proposition: obliger les opérateurs qui recourent aux ventes à découvert "à nu" sur les actions et les obligations d'Etat à fournir des garanties qu'ils pourront livrer les titres qu'ils promettent.
A l'époque, Bercy avait jugé que "dans les faits, cela revenait à interdire les ventes à découvert +à nu+", mais sous une forme plus subtile".