Standard & Poor's a lancé un coup de tonnerre vendredi en abaissant la note de la France pour la deuxième fois en moins de deux ans, à "AA", ce qui a été jugé injuste par le gouvernement, englué dans les difficultés et en proie à des tensions sociales croissantes.
S&P a justifié, dans un communiqué, sa décision d'abaisser d'un cran la note, fixée depuis début 2012 à «AA+», par le fait que le pays, selon son analyse, avait perdu de sa marge de manoeuvre financière et n'était pas en mesure de se réformer davantage en raison du maintien d'un chômage élevé.
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, en déplacement à Marseille (sud-est), a affirmé que l'agence n'avait «pas pris en compte toutes les réformes» menées depuis l'an dernier, notamment celle, en cours d'adoption, des retraites.
De son côté, le ministre de l'Economie Pierre Moscovici a dénoncé dans un communiqué les «jugements critiques et inexacts» de l'agence de notation.
Selon l'analyse de S&P, «la marge de manoeuvre budgétaire de la France s'est réduite, alors (qu'elle) la considér(ait) auparavant comme élevée au regard des pays comparables».
«Nous ne percevons pas de plan d'ensemble pour redéfinir les dépenses publiques pour dégager un potentiel de croissance», a déclaré à l'AFP le chef économiste pour l'Europe de l'agence, Jean-Michel Six.
Interrogé sur l'action gouvernementale, il a estimé qu'«il y a ce qui est mis en oeuvre, comme le CICE, et il y a les annonces».
Niveau du chômage
«Mais nous ne percevons pas pour la période à venir de plan d'ensemble articulé permettant de libérer le potentiel de croissance, préalable indispensable à la baisse du chômage», a-t-il fait valoir.
S&P juge en effet que «le niveau actuel du chômage amoindrit le soutien populaire en faveur de nouvelles réformes structurelles et sectorielles et affecte les perspectives de croissance à plus long terme».
C'est un nouveau coup dur très sévère pour le gouvernement, qui a fait de la maîtrise des finances publiques sa ligne conductrice, depuis son arrivée au pouvoir l'an dernier, dans l'espoir notamment de maintenir au plus bas les taux d'intérêt des emprunts d'Etat, et donc le coût de la dette publique.
Le gouvernement, déjà englué dans les difficultés et qui fait face à une montée des tensions sociales, notamment avec la fraude anti-écotaxe en Bretagne (ouest), a aussitôt déploré cette décision.
Le ministre de l'Economie a fait valoir les «réformes d'envergure pour redresser l'économie du pays, ses finances publiques, et sa compétitivité», qui ont été mises en oeuvre au cours des derniers 18 mois par le gouvernement, et ce "dans un contexte conjoncturel aussi difficile".
MM. Ayrault et Moscovici ont par ailleurs souligné que même ramenée à «AA», la note de la France restait parmi «les meilleures du monde».
Pas d'effet majeur sur les marchés financiers
La décision n'a pas eu d'effet majeur sur les marchés financiers. La Bourse évoluait en repli modéré en début de séance, perdant 0,69% à 09H50 (08H50 GMT), tandis que le taux des obligations d'Etat à dix ans de la France s'établissait à 2,390%.
La nouvelle note attribuée à la France est la troisième meilleure possible dans la classification de S&P. Sa perspective est "stable", ce qui implique que l'agence n'envisage pas de la modifier de nouveau à court ou moyen terme.
S&P avait été la première grande agence internationale à priver la France de la meilleure note possible (le "AAA") en janvier 2012, la dégradant alors à "AA+". Elle avait été suivie par ses concurrentes, Moody's et Fitch Ratings.
Elle est de nouveau la première à abaisser de nouveau sa note.
La note accordée à la dette court terme du pays reste par ailleurs fixée à "A-1+", soit la meilleure possible.
Par ailleurs S&P a précisé que les notes des principales banques du pays n'étaient pas affectées.