La zone euro a brutalement replongé dans l'instabililité mardi après l'annonce surprise d'un référendum en Grèce, un coup de poker qui menace le plan de sauvetage sur lequel les partenaires européens d'Athènes s'étaient laborieusement mis d'accord la semaine dernière.
Stupeur et indignation dominaient les réactions en Europe et dans le monde à l'annonce surprise, lundi soir, de ce référendum sur le plan de sauvetage par le Premier ministre grec Georges Papandréou. L'agence de notation Fitch a averti qu'un "non" des électeurs grecs menacerait la viabilité de toute la zone euro.
En France, le président Nicolas Sarkozy s'est entretenu avec la chancelière allemande Angela Merkel, à deux jours d'un sommet du G20 à Cannes (sud de la France) au cours duquel la zone euro espérait obtenir le soutien des autres grandes puissances à ses efforts pour sauver la Grèce.
Paris et Berlin sont "déterminés" à faire appliquer le plan de sauvetage de la Grèce, a indiqué la présidence française après cet entretien.
Une rencontre entre Mme Merkel, M. Sarkozy et les dirigeants de l'Union européenne et du Fonds monétaire international est prévue mercredi à Cannes. Elle sera suivie d'une autre rencontre avec la Grèce, a ajouté l'Elysée.
Sur les marchés européens, la dégringolade était généralisée mardi après-midi, Athènes et Milan dévissant d'environ 7%, Francfort de 6%, Paris et Madrid de plus de 5%. Wall Street a également ouvert en forte baisse.
Le coup de poker de M. Papandréou a "pris les marchés par surprise et les a choqués", a estimé à Paris la société de courtage IG Market.
"Papandréou porte une très lourde responsabilité", à un moment où "les marchés ont besoin de stabilité et de sécurité", a affirmé le Premier ministre belge Yves Leterme.
A Bruxelles, les présidents de l'UE Herman Van Rompuy, et de la Commission européenne José Manuel Barroso, ont néanmoins dit mardi avoir "pleine confiance" dans le respect par la Grèce de ses engagements à l'égard de la zone euro.
"Nous prenons note de l'intention des autorités grecques d'organiser un référendum", ont-ils indiqué dans un communiqué commun. Ils ont estimé que le plan conclu à l'arrachée dans la nuit du 26 au 27 octobre à Bruxelles, et qui prévoit une recapitalisation des banques européennes afin qu'elles puissent réduire de 50% leurs créances sur la Grèce, était "le meilleur" pour Athènes.
"Nous avons pleinement confiance dans le fait que la Grèce honorera les engagements pris en relation avec la zone euro et la communauté internationale", ont ajouté les deux principaux dirigeants de l'UE.
L'annonce du référendum en Grèce, qui devrait avoir lieu en janvier et sera le premier dans le pays depuis celui qui avait aboli la monarchie en 1974, a également aggravé la tourmente politique à Athènes. La survie du gouvernement de M. Papandréou, qui a réclamé la confiance du parlement lors d'un vote prévu vendredi soir, est menacée après le coup d'éclat de deux députées socialistes.
L'une a annoncé sa défection. L'autre, la figure socialiste Vasso Papandréou (sans lien de parenté avec le Premier ministre), a réclamé un cabinet "de salut national" pour garantir la mise en oeuvre du plan européen de sauvetage. Ces désaveux réduisent à 152 sur 300 le nombre de députés acquis à M. Papandréou.
Le politologue grec Ilias Nikolapopoulos a accusé M. Papandréou d'avoir pris une décision potentiellement "suicidaire pour le pays".
"Que va-t-il se passer si le peuple dit +non+? Le risque est que la communauté internationale coupe l'arrivée d'argent et que le pays finisse par quitter l'euro", après avoir fait défaut, a commenté à Francfort Christoph Weil, analyste de Commerzbank.
Mais pour la plupart des analystes grecs, M. Papandréou n'avait pas vraiment le choix, contraint de trouver une issue sur le plan intérieur face au refus catégorique de l'opposition de lui prêter main forte, et à une contestation sociale généralisée en réaction à la brutale chute du niveau de vie de pans entiers de la population provoquée par la cure de rigueur.
Les analystes mettaient aussi en avant un sondage paru dimanche, montrant les Grecs déchirés entre rejet du plan européen (à 59%) et soutien massif au maintien de la Grèce dans la zone euro (72,5%).