Qui croirait que cette entreprise, perdue au bout d'une rue d'une petite ville du nord-ouest de l'Allemagne, est un leader mondial dans la fabrication d'accessoires métalliques et de membranes pour l'industrie du carrelage et de la pierre taillée. Schlüter Systems ne doit pas son succès au hasard : elle «éduque» le marché.
«Notre stratégie n'est pas de vendre nos produits à un distributeur et de signer un contrat... Ça va beaucoup plus loin. C'est d'éduquer les distributeurs, les poseurs de carreaux, les architectes pour qu'ils utilisent nos produits quand ils ont un projet ou un problème à régler», dit Udo Schlüter, qui dirige cette entreprise familiale avec son frère, Marc, et son père, Werner.
Formations capitales
Pour former les acteurs de l'industrie, Schlüter Systems organise entre autres des ateliers de pose de carrelage en Amérique du Nord (le fondateur de l'entreprise, Werner Schlüter, était lui même poseur de carrelages). Elle leur apprend l'art et les techniques d'installation des carreaux de céramique pour les maisons, tout en leur vantant, bien entendu, les mérites de ses produits. Dans l'industrie, les poseurs de carrelages appellent d'ailleurs les tiges métalliques pour fixer les carreaux de céramique des... «schluters».
Ces formations sont capitales dans la stratégie internationale de l'entreprise allemande. Ce sont en fait les rares moments - avec d'autres événements comme les expositions - où ses employés sont en contact avec les clients finaux, les poseurs de carrelages par exemple. «Nous vendons nos produits à des vendeurs ou des distributeurs de carreaux, pas aux poseurs. Nos séminaires contribuent à développer une bonne relation avec eux», dit Udo Schlüter.
L'art du marketing indirect
Ainsi, quand un propriétaire de maison décide de rénover sa salle de bains ou d'en construire une, l'ouvrier ou le poseur de carrelages peut ainsi le conseiller sur les meilleurs produits (par exemple, la structure métallique ou la membrane sur laquelle sont déposés les carreaux) à utiliser pour son projet.
Dans les prochaines semaines, Schlüter Systems donnera d'ailleurs une trentaine de formations en Amérique du Nord, de la Californie au Québec ; des ateliers d'innovation sont prévus en mars et en avril à Sainte-Anne-de-Bellevue, sur l'île de Montréal, où est établie sa filiale canadienne. En 2010, Schlüter Systems a réalisé des revenus de 29 millions de dollars au Canada.
L'entreprise allemande est aussi engagée auprès de différentes organisations industrielles, comme le Tile Council of North America ou l'Association canadienne de Terrazzo, tuile, et marbre, ce lui permet de contribuer à l'élaboration de normes et de spécifications pour l'installation de carreaux en céramique.
La stratégie de commercialisation de Schlüter Systems donne de bons résultats. Depuis cinq ans, ses ventes totales ont progressé de plus de 10 % par année, et ce, malgré la récession mondiale de 2008-2009.
À titre comparatif, de 2008 à 2011, les ventes de l'ensemble des entreprises manufacturières du Québec n'ont jamais augmenté de plus de 6 % par année, selon les données de l'Institut de la statistique du Québec.
Agir comme une entreprise locale
Pour se démarquer, Schlüter Systems mise aussi sur la vitesse d'exécution pour livrer (en un jour ouvrable si possible) ses produits, une fois qu'ils sont commandés, en Europe et en Amérique du Nord.
«Si un poseur de carrelages a besoin d'une membrane de désolidarisation, cela ne doit pas prendre quatre semaines !» explique Udo Schlüter.
C'est pourquoi l'entreprise a une usine, à Plattsburgh, dans l'État de New York, pour approvisionner le marché nord-américain.
«Même si nous sommes une multinationale, nous agissons comme une entreprise locale, dit Udo Schlüter. Notre industrie est avant tout locale. Le marché allemand diffère du marché américain.»
Avec seulement 82 millions d'habitants, l'Allemagne est le troisième pays exportateur après les États-Unis et la Chine. Les Affaires est allé rencontrer des exportateurs allemands chez eux, pour comprendre les recettes de leur succès.