ANALYSE - Les Écossais se prononcent ce jeudi 18 septembre sur l'indépendance de l'Écosse. Advenant une victoire du Oui, le nouveau pays et le reste du Royaume-Uni feront face à d'importants défis, dont certains pourraient susciter de vives tensions.
Réglons d'abord une question que beaucoup de personnes se posent: une Écosse indépendante serait-elle économiquement viable? Eh bien, la réponse est oui, disent la quasi-totalité des analystes.
Même le leader du camp du Non, le Britannique Alistair Darling (ministre travailliste des Finances du Royaume-Uni de 2007 à 2010), reconnaît qu'une Écosse indépendante pourrait «bien sûr» prospérer sur le plan économique.
L'Écosse, une nation de 5,3 millions d'habitants, est en fait riche, principalement en raison de la production de pétrole et de gaz naturel dans la mer du Nord.
En 2012, son produit intérieur brut (PIB) par habitant s'établissait à 39 642$ US, ce qui est plus élevé que celui du Royaume-Uni (35 671$) ou de la France (36 933$). Et au niveau mondial, l'Écosse affiche 14e PIB par habitant.
L'Écosse a aussi plusieurs atouts, souligne Le Monde. Elle compte d'importantes réserves d'hydrocarbures (bien qu'en déclin), un système bancaire développé, une industrie touristique florissante, sans parler de son secteur agroalimentaire, incluant sa fameuse production de whisky.
La région est du reste déjà dynamique, avec un taux de chômage qui figure parmi les plus bas d'Europe, à 6,4% (6,8% au R.-U.) Bref, l'Écosse a tout ce qu'il faut pour devenir un État souverain prospère, de la taille du Danemark, de la Norvège ou de la Finlande.
Les facteurs d'incertitude sont nombreux
Cela dit, comme dans tous les cas de sécession démocratique (sans conflit armé), la victoire du Oui ce 18 septembre aurait des impacts à court et à long terme, disent les analystes.
On assisterait d'abord à une dévaluation de la livre sterling et à une augmentation des coûts d'emprunt du Royaume-Uni et de l'Écosse indépendante.
La sécession de la région créerait aussi beaucoup d'incertitudes, comme du reste chaque fois qu'un nouvel État voit le jour.
Par exemple, une Écosse indépendante deviendrait-elle de facto le 29e pays de l'Union européenne, un marché commun et une union douanière assurant la libre circulation des biens, des personnes (dans la plupart des pays de l'UE) et des capitaux?
Pour Alex Salmond, leader du Parti nationaliste écossais (SNP) et chef du camp du Oui, le débat est clos: l'Écosse indépendante intégrerait l'UE, puisqu'elle serait en sorte vue comme un «successeur» du Royaume-Uni.
Mais tous ne sont pas de cet avis. Puisque les traités de l'UE n'ont pas prévu qu'une région ou une province d'un État membre fasse sécession, il est possible que Bruxelles considère que l'Écosse n'ait jamais fait partie de l'UE.
Dans ce cas, l'Écosse devrait soumettre sa candidature, et obtenir l'appui des 28 pays membres, dont l'Espagne, qui fait face à une possible sécession de la Catalogne et qui voit d'un très mauvais oeil le référendum écossais. Pendant cet intervalle, l'Écosse n'aurait pas le même niveau d'intégration économique avec l'UE que le Royaume-Uni.
L'Écosse pourrait-elle garder la livre sterling?
Autre enjeu crucial: l'Écosse indépendante pourrait-elle garder la livre sterling? En théorie, l'Écosse peut garder la devise britannique, même si Londres s'y oppose. Mais en pratique, ce serait une question compliquée, font remarquer les analystes.
Par exemple, qui serait le prêteur de dernier recours des banques écossaises si celles-ci devaient encore être secouées par une crise majeure comme en 2008? La Banque d'Angleterre accepterait-elle de secourir les banques de l'Écosse indépendante en cas de crise de liquidités ?
C'est pourquoi il est possible que l'Écosse décide de créer à terme sa propre devise et sa banque centrale. Par exemple, après la dissolution de la Tchécoslovaquie en 1992, la République tchèque et la Slovaquie ont créé leur propre devise (la couronne tchèque et la couronne slovaque). Les Tchèques utilisent toujours la couronne, tandis que les Slovaques ont adopté l'euro.
Par ailleurs, la propriété des réserves pétrolières situées dans mer du Nord créera à coup sûr des tensions entre Londres et Édimbourg - elles en créent déjà! L'Écosse dit posséder 90% de ces réserves. Le Royaume-Uni voudra sans doute négocier ce pourcentage à la baisse afin de tirer davantage de revenus de l'exploitation pétrolière.
Autre question sensible: une frontière fermée séparerait-elle l'Écosse et le Royaume-Uni? Car même si l'Écosse est admise dans l'UE, le Royaume-Uni n'a pas signé les accords de Shengen, garantissant la libre circulation des personnes dans l'Union.
Les indépendantistes écossais souhaitent que l'Écosse indépendante rejoigne le Common Travel Area, la zone de libre circulation qui englobe le Royaume-Uni, l'Irlande, l’île de Man, Jersey et Guernesey.
Bien d'autres questions devraient être tranchées, comme la part de la dette publique du Royaume-Uni que devrait assumer l'Écosse indépendante, sans parler du partage de l'arsenal nucléaire du Royaume-Uni concentré en... Écosse.