ANALYSE DU RISQUE - La probabilité que des partis d'extrême droite prennent un jour le pouvoir en Europe est très mince. Mais leur popularité grandissante influence de plus en plus les politiques publiques. Et la crise des migrants ne fera qu'accroître leur pouvoir d'influence auprès des gouvernants.
Une situation qui représente à terme un risque géopolitique important pour les investisseurs qui ont des placements en Europe ou qui comptent y investir un jour, soulignent des analystes.
Pourquoi? Parce que les partis d'extrême droite sont d'abord eurospectiques (c'est-à-dire qu'ils sont contre l'Union européenne et l'euro) en plus d'être hostiles au libéralisme économique et au libre-échange.
Quand un parti d'extrême droite siège par exemple au sein d'un gouvernement de coalition, il propose souvent des mesures protectionnistes défavorables aux investisseurs étrangers.
Les partis d'extrême droite sont aussi farouchement opposés à l'immigration, qui est vue comme une menace à l'identité européenne.
Si une société vieillissante comme l'Europe se prive d'immigrants, elle risque de miner le potentiel de croissance de son économie et de ses entreprises, disent les économistes.
Fait inquiétant dans une perspective d'investissement: les partis européens d'extrême droite profitent justement de l'arrivée massive de migrants en Europe - principalement attribuable à la guerre civile en Syrie - pour attiser la haine de l'étranger et marquer des points auprès de l'électorat européen.
Le politicien néerlandais d'extrême droite Geert Wilders a même déclaré que l'actuelle vague de migrants en Europe était une «invasion islamique».
Depuis le 1er janvier, quelque 500 000 migrants sont entrés en Europe, selon Frontex, qui gère les frontières extérieures de l'Union européenne. Or, en 2014, le continent européen avait accueilli 280 000 personnes.
On le voit bien, l'Europe fait face à un défi migratoire de taille, même si un million de migrants ne représenteraient encore que 0,2% de l'ensemble de la population de l'UE de 508 millions d'habitants.
Ce qui représenterait l'équivalent de 16 000 personnes nouveaux arrivants au Québec, qui compte 8 millions d'habitants.
Pourtant, la peur de «l'invasion islamique» fait son bonhomme de chemin en Europe auprès d'une frange de la population.
Oui, oui, l'extrême droite marque des points en martelant ce message.
Et ceux qui en doutent devraient regarder ce qui s'est passé au Danemark, le 18 juin, lors des élections législatives.
L'extrême droite progresse partout en Europe
Le Parti du peuple danois (DF), un parti d'extrême droite anti-immigration, a remporté 21,1% des voix, soit son meilleur score depuis sa création en 1995. Ce qui fait du DF le premier parti politique de droite au Danemark, et la deuxième force politique du pays après les sociaux-démocrates (26,3%).
À vrai dire, on assiste à une montée de l'extrême droite dans les pays scandinaves, des États pourtant réputés pour leur tolérance et leur ouverture.
Aux élections de septembre 2014 en Suède, le parti d'extrême droite des Démocrates de Suède est devenu la troisième force politique du pays, en récoltant 12,9% des voix. Et en août 2015, il s'est même hissé pour la première fois en tête d'un sondage d'opinion, selon le quotidien Libération.
En Norvège, aux élections d'octobre 2013, le Parti du progrès (FrP) est rentré pour la première fois au gouvernement, avec les conservateurs, élus avec une minorité du suffrage.
Même l'Allemagne, qui a fait preuve de leadership et d'ouverture dans la crise des migrants, n'échappe pas non plus à la montée de l'intolérance à l'endroit des réfugiés, selon l'agence Reuters.
Le 9 septembre, à Riesa, dans l'est de l'Allemagne, des partisans du Parti national-démocrate d'Allemagne (NPD), une formation d'extrême droite, ont marché dans les rues pour dénoncer l'arrivée de migrants dans le pays.
L'érection de murs pour stopper ou détourner les flux de migrants en Europe, comme la Hongrie l'a fait le 15 septembre, n'augure non plus rien de bon, selon le magazine britannique The Economist.
La crise des réfugiés et la crise en Ukraine (où la Russie est impliquée) ont incité des gouvernements à planifier et à construire des murs ou des barrières de sécurité dans le sud et l'est de l'Europe.
«L'Europe aura bientôt plus de barrières physiques à ses frontières que durant la guerre froide», affirme The Economist.
À moins d'une fin rapide à la guerre civile en Syrie (ce qui est du reste peu probable), les analystes ne voient guère comment le flux de migrants en Europe pourrait revenir à un rythme plus normal à brève échéance.
Ce qui profitera à l'extrême droite en Europe. Une situation qui pourrait lui permettre de faire des gains dans les parlements aux quatre coins du vieux continent lors des prochaines élections régionales, nationales ou européennes.