ANALYSE - La Russie est au bord du gouffre. Déjà mal en point depuis des années, son économie pâtira de la dévaluation du rouble, de l'effondrement du prix du baril de pétrole et de la politique étrangère nationaliste de son président Vladimir Poutine en Europe orientale.
Depuis un an, la devise russe a perdu quelque 50% de sa valeur face au dollar américain, ce qui fait bondir les coûts d'importation de la Russie. De plus, la hausse des taux d'intérêt orchestrée par la Banque de Russie pour soutenir le rouble fait aussi exploser les coûts d'emprunt des citoyens et des entreprises du pays.
La chute des cours du pétrole est peut-être pis encore pour la Russie. Depuis un an, le baril de pétrole a perdu 40% de sa valeur, pour s'établir environ 55$, le 19 décembre. Une catastrophe quand l'on sait que les exportations de pétrole de la Russie représentent plus de 60% de ses exportations.
La dégringolade du prix du pétrole et la chute de la valeur du rouble tiennent à plusieurs facteurs, soulignent les analystes.
Dans le cas du pétrole, la guerre de prix que livre l'Arabie saoudite aux producteurs de pétrole de schiste (essentiellement les États-Unis) explique en grande partie la chute des cours de l'or noir - beaucoup plus par exemple que la crise économique dans la zone euro ou le ralentissement économique en Chine.
La dévaluation du rouble est bien entendu liée à l'effondrement du prix du baril de pétrole, puisque la Russie est un important pays producteur de pétrole - le troisième au monde après les États-Unis et l'Arabie saoudite, selon The World Factbook de la CIA.
Mais elle est aussi liée aux sanctions imposées par l'Occident à la Russie à la suite de son intervention en Ukraine orientale en 2014, incluant l'annexion de la Crimée (Moscou avait cédé en 1954 ce territoire à l'Ukraine, lorsqu'elle faisait partie de l'ex-Union des républiques socialistes soviétiques.
Lors d'une conférence de presse très courue cette semaine, Vladimir Poutine a déclaré que «les sanctions ont coûté de 25 à 30% de sa valeur au rouble». Selon les analystes, c'est la première fois que le maître du Kremlin reconnaît que les sanctions imposées par les Nord-Américains et les Européens font mal à la Russie.
Les investisseurs qui pensent que les sanctions feront plier Vladimir devront déchanter. Car le président russe s'est investi d'une mission: restaurer la grandeur de la Russie dans la foulée de la dissolution de l'URSS, en 1991.
Pourquoi Poutine ne va pas plier
Depuis près de 25 ans, Moscou a grincé des dents chaque fois que les Occidentaux se sont étendus vers l'est, avec l'Union européenne et l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN).
C'est toutefois le renversement du président ukrainien Viktor Ianoukovitch et de son régime pro-russe, en février 2014, qui a déclenché la crise actuelle en Ukraine et qui a mené à l'imposition de sanctions contre la Russie.Moscou est d'ailleurs convaincu que l'Occident a comploté pour installer un régime «ami» pro-occidental à Kiev.
Aux yeux de Vladimir Poutine, les Américains et les Européens sont allés trop loin en interférant ainsi dans la zone d'influence de Moscou.
Voilà pourquoi il a décidé d'intervenir pour défendre les intérêts de la Russie. Et ce n'était pas une première. En 2008, le maître du Kremlin avait envoyé des troupes en Géorgie (une ancienne république de l'URSS), qui voulait à l'époque se rapprocher des Américains et des Européens - comme l'Ukraine à l'heure actuelle.
Ainsi, à moins d'une surprise de taille, le président russe ne cédera pas un pouce de territoire en Ukraine.
Et la partie d'échecs géopolitique de la Russie ne se limite pas à ce pays. Par exemple, ces derniers mois, on ne compte plus les incursions d'avions militaires russes dans l'espace aérien de pays européens, incluant ceux de l'OTAN.
Cela dit, la politique de Vladimir Poutine commence à avoir un coût économique pour la Russie, la dévaluation du rouble en étant un exemple éloquent.
Poutine peut-il rester populaire en Russie?
En ce moment, le président russe demeure populaire dans l'opinion publique en Russie, car son projet de restaurer la puissance de la Russie est vu d'un bon oeil par bon nombre de Russes, nostalgiques de la grandeur de l'ex-URSS.
Reste à voir si le peuple russe restera encore bien longtemps derrière son président. Ce dernier affirme pouvoir sortir le pays de la crise qui l'affecte - la pire depuis la crise asiatique et celles des économies émergentes à la fin des années 1990 - en deux ans.
Une éternité si l'inflation explose, les taux d'intérêt demeurent élevés et que l'économie russe plonge en récession, dans un contexte où le pays souffre déjà de plusieurs problèmes structurels.
Selon une récente analyse de la Financière Banque Nationale, la population diminue, l'économie n'est pas assez diversifiée (elle est trop axée sur les hydrocarbures) et l'industrie manufacturière n'est pas concurrentielle.
Pis encore, les sanctions économiques imposées la Russie privent justement le pays des investissements occidentaux qui permettraient de moderniser et diversifier son économie.
Malgré tout, le maître du Kremlin persiste et signe, même si sa politique risque de miner encore plus l'économie de la Russie dans les prochaines années.
Bref, Vladimir Poutine joue à la roulette russe.