Le pape François, en visite pastorale en Sardaigne, a dénoncé dimanche l'argent, «idole» au centre d'un système économique mondial qui «commande» tout, et le manque de travail, qui apporte «souffrance» et absence de «dignité».
Après son arrivée à l'aéroport de Cagliari, il s'est rendu sur l'une des places centrales de la capitale de la Sardaigne, où il a été accueilli par des milliers de personnes brandissant des drapeaux aux couleurs (blanc et or) du Vatican, mais aussi de Sardaigne et d'Argentine, son pays natal.
L'attendaient un chômeur, une patronne de coopérative solidaire et un berger, tous originaires d'une île où le chômage dépasse les 18% de la population active (12% en Italie), et jusqu'à 51% chez les jeunes.
Après avoir évoqué les "souffrances" traversées "par les "jeunes sans emploi, les personnes en situation précaire, les entrepreneurs et les commerçants qui peinent à aller de l'avant", le pape François s'est écarté de son discours officiel pour parler de sa propre histoire.
«C'est une réalité que j'ai bien connue en Argentine. Je n'ai pas, à proprement parler, expérimenté cette souffrance (le manque de travail, ndlr) mais ma famille, oui», a-t-il expliqué.
«Mon père est parti (du nord de l'Italie ndlr) en Argentine, pour tenter sa chance en Amérique, il a souffert de la terrible crise de 1929 au cours de laquelle il a tout perdu», a-t-il poursuivi, précisant n'avoir pas vécu directement cette situation, car il n'était pas né (il est né en 1936, ndlr).
Mais, a-t-il ajouté, «j'ai ressenti cette souffrance durant toute mon enfance, je les ai entendus en parler», a-t-il ajouté au sujet de ses parents.
Le courage des chômeurs
Reprenant son discours, il a parlé du «courage» qui est demandé aux chômeurs et à leur famille. Après avoir évoqué sa visite début juillet sur l'île de Lampedusa, à la rencontre des migrants en quête d'une vie meilleure en Europe, le pape a souligné "qu'ici aussi il (rencontrait) de la souffrance".
«Cette souffrance finit par cacher l'espérance, ce manque de travail conduit à se sentir sans dignité», a-t-il affirmé.
Cet état de fait est la «conséquence d'un choix mondial, d'un système économique qui a en son centre une idole qui s'appelle l'argent», a-t-il martelé, ajoutant vouloir "remettre au centre l'homme et la femme".
«Sans travail, il n'y a pas de dignité», a souligné fermement le pape.
«Luttons tous contre l'idole argent, contre un système sans éthique, injuste, dans lequel c'est l'argent qui commande tout», a-t-il lancé, déclenchant applaudissements et pleurs dans la foule.
"Pour préserver ce système idolâtre, on abandonne les plus faibles, les anciens, ceux qui n'ont nulle part où loger. On est en train de parler d'une euthanasie dont on tairait le nom. Même les jeunes sont abandonnés, et sont laissés sans dignité", a-t-il ajouté.
Or, a-t-il répété, "le travail, c'est la dignité, nous souhaitons un système juste", avant d'être applaudi à nouveau.
Des ouvriers lui ont alors offert un casque de chantier, qu'il a coiffé quelques instants, avant de se rendre au sanctuaire de la Madonne de Bonaria, à l'origine de la fondation de sa ville natale, Buenos Aires.
Quelque 350000 personnes, venues de toute l'île, devaient assister à la messe, commencée à 08h30 GMT.
D'autres rencontres, avec des pauvres, des détenus mais également avec le monde de la culture, ponctuées de discours, sont prévues au cours de cette journée, durant laquelle François est accompagné du maire de Buenos Aires, Mauricio Macri.
"C'est la même personne que j'ai connue quand il était archevêque de Buenos Aires, a confié l'élu. Avec la même humilité, la même sensibilité et cette capacité à communiquer qui est en train de révolutionner le monde".