ANALYSE - L'Accord économique et commercial global (AECG) conclu entre le Canada et l'Union européenne - mais qui reste à ratifier - aura sans doute des impacts négatifs au Québec. Mais, comme dans le cas du libre-échange avec les États-Unis, les Québécois ont beaucoup plus à gagner qu'à perdre de cet accord avec l'Europe.
C'est grosso modo ce qu'a expliqué vendredi midi Pierre-Marc Johnson, le négociateur en chef pour le Québec dans ces pourparlers avec l'UE, lors d'un déjeuner-causerie organisé par la Jeune chambre de commerce de Montréal.
Certaines statistiques parlent d'elles-mêmes pour montrer les gains potentiels pour le Québec et ses entreprises.
Regardons d'abord le poids démographique et économique des deux partenaires dans cette négociation, selon le CIA Factbook, une mine de statistiques et d'informations de l'agence américaine du renseignement.
Dans le coin gauche de l'Atlantique, le Canada, un pays de 35 millions d'habitants, a une économie dont la taille s'élevait à 1 825 milliards de dollars américains en 2013.
David contre Goliath
Dans le coin droit, les 28 pays de l'Union européenne, une confédération de 512 millions d'habitants, affichaient l'an dernier un PIB global de 17 030 G$US (en fait, la première économie mondiale devant les États-Unis, à 16 720 G$US), ce qui représente neuf fois la taille de l'économie canadienne.
Dans ce contexte, comme le soulignait Pierre-Marc Johnson, le Canada n'est pas vraiment un marché prioritaire pour les Européens - 35 millions d'habitants, c'est presque la moitié de la population de la France.
Les Européens voient néanmoins un intérêt dans cet accord: l'accès aux marchés publics au Canada, soit les achats de biens et des services effectués par les administrations publiques, soit le gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités.
Des marchés qui sont évalués à quelque 100 G$ CA au Canada. Il y a bien entendu des seuils et des exclusions, notamment dans la santé et l'éducation, sans parler d'Hydro-Québec. Toutefois, au-delà du seuil de 315 000$ (la valeur d'un contrat d'approvisionnement), les marchés publics seront totalement ouverts aux entreprises européennes.
Le potentiel immense des marchés publics européens
Le potentiel est toutefois beaucoup plus important pour les entreprises canadiennes et québécoises en Europe.
Au sein des 28 pays de l'Union européenne, les 250 000 autorités publiques (tous les niveaux de gouvernements) consacrent environ 18% du PIB de l'UE à l'achat de services, de travaux et de fournitures, selon la Commission européenne.
En 2013, cela représentait des dépenses de 3 065 G$US, soit presque deux fois la taille de l'ensemble de l'économie canadienne! Malgré les seuils et les exclusions, ce marché est immense pour les entreprises du Québec.
Même au chapitre des investissements, le Québec - et l'ensemble du Canada - a tout à gagner du libre-échange avec l'Europe. Là encore, les statistiques sont très éloquentes.
Actuellement, les stocks cumulatifs des investissements du Canada dans les 28 pays de l'UE s'établissent à quelque 173 G$CA, selon Pierre-Marc Johnson. Pour leur part, ceux de l'Union européenne au Canada s'élèvent à environ 161 G$CA.
Non seulement les investissements canadiens en Europe sont-ils plus importants en valeur absolue, mais ils sont beaucoup plus élevés toute proportion gardée, compte tenu de la taille respective des deux économies. Autrement dit, les Européens sous-investissement au Canada.
Dans un contexte, l'accord avec l'UE favorisera l'investissement européen au Canada et au Québec, notamment dans le secteur des ressources naturelles. Des capitaux, a expliqué Pierre-Marc Johnson, dont nous avons absolument besoin pour développer notre territoire immense et peu peuplé.
Bien entendu, certaines entreprises québécoises pâtiront de l'accord de libre-échange avec l'Union européenne, notamment les manufacturiers de fromages, qui craignent les importations supplémentaires de fromages européens.
Cela dit, la grande leçon du libre-échange avec les Américains, c'est que le plus petit partenaire économique profite toujours davantage de la libéralisation des échanges que le plus grand, disent les économistes. Et, à moins d'une surprise de taille, cela devrait être la même chose avec l'Union européenne.