Un éventuel libre-échange avec l'Union européenne (UE) serait généralement favorable pour le Canada, mais l'économie du pays devrait tout de même s'ajuster, indique une étude du Mouvement Desjardins qui vient d'être publiée.
Plusieurs provinces bénéficieraient d'une libéralisation des échanges avec l'Europe parce qu'elles sont de grandes exportatrices de produits assujettis à d'importants tarifs douaniers, soutient l'auteur du document, l'économiste Benoit Durocher.
Ainsi, le Québec serait grandement avantagé par l'élimination ou du moins la réduction substantielle des tarifs sur les produits aéronautiques et l'aluminium, ses deux principales exportations vers l'UE, lesquelles ont généré des revenus de 2,6 milliards $ en 2010.
L'aluminium est actuellement frappé d'un tarif européen moyen de 6,4 pour cent, alors que les produits aéronautiques sont soumis à un tarif moyen de 2,1 pour cent.
Les autres grands gagnants seraient l'Ontario et les Territoires du Nord-Ouest, qui monopolisent les exportations canadiennes de perles, pierres, métaux précieux et bijoux vers l'UE une affaire de 11 milliards $ en 2010. L'UE frappe ces produits d'un tarif moyen de 0,6 pour cent.
Principaux exportateurs canadiens de machinerie vers l'Europe, le Québec et l'Ontario tireraient également parti de la disparition du tarif moyen de 1,7 pour cent sur ces produits.
L'Ontario profiterait en outre de la levée du tarif moyen de 4,7 pour cent sur les produits chimiques inorganiques, dont elle a exporté pour 797 millions $ vers l'UE en 2010. L'autre grand bénéficiaire à ce titre serait la Saskatchewan, qui a exporté pour 500 millions $ de ces produits en Europe en 2010, de la potasse principalement.
De leur côté, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve-et-Labrador ainsi que le Nouveau-Brunswick tireraient profit de la libéralisation du commerce du poisson, des crustacés et des mollusques, qui a représenté pour ces provinces des ventes de 232 millions $ vers l'UE en 2010. Ces produits sont visés par un tarif européen moyen de 10,7 pour cent.
Par ailleurs, les consommateurs d'ici sortiraient gagnants d'un accord avec l'UE si celui-ci prévoyait une réduction significative des tarifs canadiens sur les produits pétroliers, les véhicules automobiles, les vêtements et les chaussures. Avec la machinerie, ce sont là les produits que l'UE exporte le plus au Canada.
Risques à l'horizon
Au final, les économies des deux régions ont intérêt à aller de l'avant avec le libre-échange, conclut M. Durocher, en soulignant qu'un accord avec l'UE permettrait de réduire la dépendance du Canada à l'endroit des États-Unis.
"Il y a cependant un risque d'une plus grande spécialisation sectorielle de l'économie canadienne, en particulier au sein des ressources naturelles, prévient-il. Cela pourrait accroître la fragilité du Canada au 'mal hollandais', un syndrome qui relie l'exploitation des ressources naturelles à une vive appréciation de la devise et à un déclin de l'industrie manufacturière."
Comme c'est le cas de tout accord commercial, un libre-échange avec l'Europe favoriserait certains secteurs de l'économie et nuirait à d'autres, rappelle l'économiste de Desjardins.
"Il est donc évident qu'un accord avec l'UE nécessitera des ajustements au sein de l'économie canadienne, que ce soit sur le plan de la production, de l'emploi ou des investissements, écrit-il. (...) Des mesures gouvernementales transitoires pourraient être mises de l'avant afin de minimiser les effets néfastes sur les entreprises, les consommateurs et les travailleurs."
Benoit Durocher souligne enfin que les économies de la plupart des pays européens "sont arrivées à maturité", de sorte qu'"il pourrait être difficile pour certaines entreprises canadiennes de faire leur place au sein de ces marchés".
D'où l'importance pour Ottawa, selon lui, de conclure des accords de libre-échange avec les pays asiatiques et latino-américains en forte croissance.