Bien qu'il ne fasse pas l'unanimité, l'Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l'Union européenne est vital pour l'économie québécoise et la santé économique de nos entreprises, affirme Pierre Marc Johnson, négociateur en chef du gouvernement du Québec dans ces pourparlers.
Dans un entretien à Les Affaires, l'ex-premier ministre du Québec et avocat-conseil chez Lavery, explique que l'accord de libre-échange - qui devrait entrer en vigueur en 2015 ou 2016 - permettra de limiter l'impact du déclin de nos exportations aux États-Unis depuis une quinzaine d'années.
Après avoir atteint un sommet historique de 60 milliards de dollars canadiens en 2000, nos expéditions dans notre principal marché d'exportation ont depuis connu un long déclin. Depuis cinq ans, nos livraisons de marchandises aux États-Unis ont rebondi, pour s'élever à 46,3 G$ en 2013. Mais elles continuent de traîner la patte.
Selon Pierre Marc Jonhson, trois facteurs expliquent ce recul : la forte appréciation du huard par rapport au billet vert ; les mesures accrues de sécurité à la frontière après les attentats du 11-Septembre 2001 ; et la présence de plus en plus importante d'entreprises chinoises sur le marché américain.
«Le principal partenaire commercial des États-Unis, ce n'est plus le Canada. C'est la Chine», fait remarquer le négociateur en chef du Québec. C'est pourquoi le Canada et le Québec devaient agir pour compenser le déclin de leur commerce au sud de la frontière.
Et dans ce contexte, se rapprocher de l'Union européenne - le plus vaste ensemble économique du monde - pour y consolider nos marchés était la meilleure stratégie, d'autant plus que le Québec y exporte déjà beaucoup de produits de très haute technologie.
«En Europe, le Québec a des marchés dans des secteurs à grande valeur ajoutée, et il faut consolider cela. Pourquoi ? C'est dans cette direction que s'en va notre économie», souligne Pierre Marc Johnson.
L'Europe est un marché développé et mature. Il est donc très intéressant pour l'économie du Québec, surtout dans la nouvelle économie (technologies de l'information, aérospatiale, chimie, secteur biomédical, etc.). «La nouvelle économie se développe au Québec, et on a un excellent marché en Europe», dit le négociateur en chef du Québec.
Des services concurrentiels
Les entreprises québécoises dans les services - qui valent les trois quarts du PIB du Québec - ont aussi tout à gagner d'un meilleur accès du marché de l'UE. Nos services spécialisés sont plus concurrentiels que ceux qu'offrent les entreprises européennes, selon Pierre Marc Johnson.
Au Québec, le taux quotidien moyen pour un consultant auprès d'un établissement public s'élève à environ 750 $ CA. En Europe, ce taux moyen atteint 1 000 euros (1 470 $ CA). «C'est pourquoi il faut regarder les services avec autant d'attention que le secteur des biens», insiste-t-il.
Autres retombées de l'AECG au Québec ? Nos entreprises deviendront plus compétitives en se frottant davantage à la concurrence des sociétés européennes au Canada. Elles pourront aussi importer à moindre coût de la machinerie fabriquée en Europe, un avantage stratégique important.
Pour leur part, les organisations et les pouvoirs publics au Québec auront accès à une offre plus concurrentielle et diversifiée, notamment dans les transports publics. «Les Européens sont de grands spécialistes des transports publics», dit Pierre Marc Johnson.
S'adapter pour prospérer
Par contre, des secteurs écoperont d'une plus grande concurrence européenne au pays. Selon Pierre Marc Johnson, nos entreprises peuvent faire face à la musique. «On a déjà démontré notre capacité d'adaptation depuis l'ALENA, ce qui ne veut pas dire que cela ne touchera pas certains secteurs.»
Les petits producteurs de fromages du Québec en sont un bel exemple, en raison de l'augmentation des quotas d'importation de fromages fins européens. Des mesures de compensation seront mises en place, mais les fromagers québécois devront s'adapter.
C'est ce qu'a dû faire l'industrie de la chaussure, dans la foulée de l'entrée en vigueur de l'ALENA. Des entreprises ont dû fermer boutique, mais d'autres se sont transformées, afin d'offrir des produits de niche.
Pierre Marc Johnson s'attendait d'ailleurs à une certaine résistance dans l'industrie de la chaussure pendant les négociations de l'AECG. Un commentaire d'un représentant de cette industrie l'a surpris, un commentaire dont il se souviendra toujours.
«Il m'a dit : "Écoutez, nous, on fait des souliers de travail exceptionnels, des bottes spécialisées, ainsi que des bottes de type cow-boy, qui sont quasiment considérées comme des produits spécialisés. Et puis, on laisse les beaux petits souliers élégants aux Italiens". On n'aurait jamais entendu parler de ça, en ces termes-là, il y a 25 ans», dit Pierre Marc Johnson.
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