Les dirigeants européens veulent commencer lundi à tourner la page de la crise de la dette lors de leur premier sommet de l'année, assombri toutefois par une polémique provoquée par la volonté de l'Allemagne de placer la Grèce sous tutelle budgétaire.
La réunion qui débute à 15h00 (9h00, heure de Montréal) à Bruxelles doit sur le papier être consacrée surtout aux moyens de relancer la croissance et l'emploi, deux sujets longtemps occultés par la crise et les mesures d'austérité imposées en Europe qui suscitent la grogne.
Preuve en est, ce sommet se déroule le jour où la Belgique est touchée par une grève générale contre l'austérité, qui paralyse les transports publics et de nombreuses institutions dans le royaume.
Malgré un agenda défini depuis longtemps qui devait éviter de trop parler de la crise de la dette, la Grèce s'est une nouvelle fois invitée dans le débat des 27 dirigeants de l'UE.
"La Grèce sera à l'ordre du jour", a confirmé lundi le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Jean Asselborn, alors que Berlin a jeté un pavé dans la mare en proposant de placer la Grèce sous une tutelle européenne avec droit de veto sur les décisions budgétaires du gouvernement.
Perdant patience face à Athènes, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a laissé plané la menace d'un arrêt des prêts européens à Athènes si les Grecs ne mettent pas en oeuvre les réformes promises.
"Peut-être que nous et nos partenaires devons étudier des façons d'aider la Grèce dans cette tâche difficile d'une manière plus étroite", a-t-il avancé dans un entretien au Wall Street Journal paru lundi.
En jeu: le déblocage du second plan d'aide au pays d'un montant de 130 milliards d'euros, promis par les Européens en octobre dernier.
Cette aide est vitale pour la Grèce qui doit rembourser 14,5 milliards d'euros de prêts le 20 mars, et n'a pas seule les moyens de le faire. Sans aide, le pays se retrouvera donc en faillite dans moins de deux mois.
Révélée ce week-end, la proposition de mise sous tutelle a créé la controverse en Europe et suscité des cris d'orfraie en Grèce. "Soit nous avançons sur la voie démocratique où chaque pays est responsable de sa propre politique, soit nous sapons la démocratie dans l'Europe entière", a réagi lundi à Bruxelles Georges Papandréou, le chef de file des socialistes grecs et ex-Premier ministre.
Athènes a reçu des soutiens de plusieurs responsables de gauche en Europe.
"Le plus grand pays de l'Union européenne, l'Allemagne, doit être dans ses déclaration un peu plus prudent. Ce n'est pas très sain que les (responsables) politiques allemands disent qu'il faut (...) mettre la Grèce sous tutelle", a réagi M. Asselborn.
Ces échanges musclés témoignent à la fois de l'agacement des Européens vis-à-vis de Berlin, qui tente d'imposer son modèle rigoureux, mais aussi de l'impatience grandissante à l'encontre d'Athènes.
En dehors du cas grec, les dirigeants européens vont tenter lors du sommet d'envoyer un message d'espoir à leurs concitoyens, en cherchant des pistes pour faire redémarrer la croissance et lutter contre le chômage.
Ils réfléchissent notamment à rediriger les budgets de certains fonds européens pour lutter contre le chômage des jeunes et aider les petites et moyennes entreprises. Mais au final, aucune mesure concrète ne devrait être annoncée.
Autre mission pour les 27 dirigeants: peaufiner leur arsenal anti-crise, en adoptant un nouveau traité visant à durcir leur discipline budgétaire commune.
Ce pacte budgétaire prévoit l'instauration généralisée d'une "règle d'or" sur le retour à l'équilibre et l'introdcution de sanctions quasi-automatiques contre les comptes publics qui dérapent.
Les dirigeants doivent trancher les points litigieux de ce texte, qui doit être signé en mars, avant d'entrer en fonction en janvier prochain.
Parmi les questions en suspens, les formats des futurs sommets de la zone euro. La Pologne qui n'a pas encore adopté la monnaie commune insiste pour y être invitée et a confirmé lundi qu'elle ne signerait pas le traité en l'état. Mais la France, très attachée à l'idée de gouvernance économique de la zone euro, refuse que cela devienne systématique.
Autre point à trancher: les sanctions seront-elles appliquées uniquement pour les dérapages de déficits ou également pour ceux concernant la dette? Cette question est particulièrement sensible pour des pays comme la France et l'Italie, très endettées.
Dernier chantier, les Européens vont mettre sur les rails le futur fonds de secours financier permanent pour les pays en difficulté de la zone euro (le MES), qui commencera à fonctionner en juillet. Reste encore à déterminer sa capacité de prêts effective, mais cette question sera abordée par les Européens en mars.