Le Plan Nord remet en perspective le déficit de main-d'œuvre au Québec et donc, toute la pertinence d’accords tels que l’Entente France-Québec sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, selon Gil Rémillard, ex-ministre des Relations internationales du Québec.
«Le Plan Nord vient remettre en perspective de façon particulièrement significative toute cette question du déficit de main-d'œuvre au Québec et de la recherche du talent. Et au-delà de cette recherche du talent, ce phénomène de migration que nous avons partout au monde», a déclaré M. Rémillard dans le cadre d’une conférence sur le thème de la mobilité internationale de la main-d'œuvre entre l’Europe et le Québec, organisée le 17 mai dernier par le Cercle Esteler, le cercle d’affaire Wallonie-Québec.
«Il ne faut pas voir cette entente [France-Québec] seulement en fonction de l’immigration, mais en fonction de la migration. Il faut la voir notamment en fonction du Plan Nord, où il faudra avoir recours à des talents, des expertises et de la main-d'œuvre étrangère», a spécifié le négociateur en chef et secrétaire général du Comité bilatéral pour la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles. «Ces gens viendront pour travailler deux, trois ou cinq ans, peu importe. Ils peuvent retourner chez eux ou évidemment, s’ils veulent rester au Québec, on en sera très heureux. Mais il faut voir ces ententes beaucoup plus dans un contexte de migration, et d’une mobilité qu’on doit assouplir.»
Jusqu’ici, les arrangements de reconnaissance mutuelle (ARM) franco-québécois visant à faciliter et à accélérer l’obtention d’une aptitude légale d’exercer une profession ou un métier réglementés sur les deux territoires couvrent 68 professions et métiers. Sur le lot, une quarantaine sont actuellement en vigueur.
Ainsi, les frontières entre le Québec et la France sont donc déjà ouvertes pour certaines professions et métiers, notamment pour les avocats, les briqueteurs-maçons, les carreleurs, les charpentiers-menuisiers, les couvreurs, les peintres et les électriciens en construction.
«Déjà au moins 40 ARM sont en vigueur, d’autres le deviendront dans les prochains jours. Et ensuite, il dépendra du Premier ministre, du gouvernement, de décider si on veut donner à cette entente une envergure plus complète, en demandant à d’autres pays de vouloir discuter avec nous en ce sens», a ajouté M. Rémillard, avocat chez Fraser Milner Casgrain, qui a préféré se faire discret sur les développements à venir quant à la transposition du cas des accords franco-québécois à d'autres pays, «pour des raisons politiques».
Celui qui a été ministre des Relations internationales, ministre délégué aux Affaires intergouvernementales, ministre de la Sécurité publique et ministre de la Justice dans le gouvernement libéral de Robert Bourassa dit espérer «que nous allons pouvoir entamer le plus tôt possible des discussions avec la Belgique concernant une entente sur la main d’œuvre.»
Marc Lafrance, chargé de mission responsable du dossier des ententes de mobilité internationale au ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec, note que sur toutes les questions de la mobilité internationale, son ministère est déjà très actif depuis maintenant quelques années.
«Le Plan Nord va requérir des emplois dans certains domaines réglementés comme géologues, ingénieurs forestiers, génie civil, etc. Il y a déjà des ententes avec la France, les ARM notamment, qui permettront de répondre à ces besoins de main-d'oeuvre et donc de lever l’obstacle de l’obtention des autorisations légales d’exercer», a spécifié M. Lafrance, interrogé en marge de la conférence. «L’entente avec la France prend de plus en plus vie avec les ARM en vigueur. On en voit déjà les effets, mais vraiment, je pense que dans deux ou trois ans, les effets se feront vraiment sentir sur une base constante.»
M. Lafrance, aussi chargé de la refonte du rôle des services d’intégration au Québec, soutient que l’annonce du Plan Nord «pourrait» accélérer les discussions en vue de conclure de telles ententes avec d’autres pays, avec la Belgique notamment, ou encore la mise en vigueur de d’autres ARM avec la France, mais insiste sur le fait qu’il s’agit «d’une décision politique».
«Et au-delà de l’entente avec la France, nous devions travailler sur la mobilité temporaire des personnes, donc les emplois et l’immigration temporaire, ce que nous avons fait. À partir de là, il y a de nouveaux règlements qui devaient être en vigueur, ou sur le point de l’être, qui viennent faciliter cette mobilité, de même que l’immigration permanente et l’intégration», a ajouté M. Lafrance.
Et Plan Nord ou pas, M. Lafrance souligne que le Québec a de gros défis à relever en matière de main d’œuvre, en citant l’exemple des Journées Québec 2011, une mission de recrutement en France, qui se tiendra les 20, 21 et 23 mai. Vingt-neuf entreprises québécoises provenant de différents secteurs tels que l’aérospatial, le génie, l’informatique, la santé, l’usinage et l’assemblage y participeront afin de combler un total de 750 emplois.
«Pour vous montrer l’intérêt que cela représente, il y a plus de 6000 Français qui se sont inscrits pour rencontrer les employeurs proposant ces 750 postes. Nous avons donc de gros défis à relever. La demande est là : il y a un besoin de main-d'œuvre important au Québec», dit M. Lafrance.