Le procès du volet français des détournements du programme de l'ONU en Irak «pétrole contre nourriture» s'ouvre lundi à Paris, avec vingt personnes sur le banc des prévenus, dont le PDG du Groupe Total, Christophe de Margerie.
L'audience débute à 13H30 devant la 11e chambre correctionnelle, spécialisée dans les affaires financières.
Pendant un mois, le procès va devoir se plonger dans l'Irak de Saddam Hussein et décortiquer les mécanismes de contournement d'un embargo économique décrété contre son régime après l'invasion irakienne du Koweït en 1990.
En 1995, cet embargo avait été allégé par l'ONU, qui permettait alors à Bagdad de vendre des quantités limitées de pétrole en échange de biens humanitaires et de consommation nécessaires à la population. C'était le programme pétrole contre nourriture («oil for food»).
Or, il s'avèrera après la chute du dictateur, en 2003, année de l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis, que son régime avait détourné massivement ce programme, par le biais de ventes parallèles et surfacturations.
D'une part, les dirigeants irakiens attribuaient des barils à des personnalités «amies», qui recevaient des commissions lors de la revente du pétrole en contrepartie de leur lobbying en faveur de la levée de l'embargo.
D'autre part, le régime de Bagdad exigeait des compléments de prix (surcharges) par rapport aux tarifs déclarés à l'ONU et empochait la différence par le biais d'intermédiaires et sociétés écrans.
Le scandale avait éclaboussé des centaines de sociétés et personnalités dans plusieurs dizaines de pays, en France notamment.
Se retrouvent ainsi lundi sur le banc des prévenus des responsables d'associations, hommes d'affaires, journalistes et anciens diplomates dont Jean-Bernard Mérimée, ex-ambassadeur de France à l'ONU, poursuivis pour avoir bénéficié d'allocations de pétrole. Il y a aussi avec eux l'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, qui nie avoir profité des largesses des Irakiens.
Le groupe Total, poursuivi comme personne morale, est quant à lui soupçonné d'avoir sciemment payé des surfacturations afin d'obtenir des contrats et acheté du brut provenant d'allocations illicites à des personnes privées. Mais il nie toute intention frauduleuse ou violation d'embargo.
Plusieurs cadres de Total sont également poursuivis, de même que son PDG actuel, Christophe de Margerie, qui réfute lui aussi toute malversation.
Le dossier repose en outre largement sur des accusations de corruption, un chef que contestent les avocats des prévenus. Selon eux, il ne peut pas y avoir corruption puisque les surcharges étaient exigées par l'Etat irakien et versées dans ses caisses.
Avant d'aborder le fond de l'affaire, le tribunal va examiner divers points de procédure. La défense prévoit en particulier de poser des «questions prioritaires de constitutionnalité» (QPC) qui, si elles sont jugées valables, pourraient entraîner un report du procès.