La Grèce va devoir retourner aux urnes d'ici fin juin après l'échec mardi des dirigeants de partis de former un gouvernement de coalition, ce qui a de nouveau semé la panique sur les bourses mondiales et ravivé les inquiétudes sur une sortie du pays de la zone euro.
Après le vote sanction du 6 mai contre les deux piliers du système politique grec, la Nouvelle-Démocratie (droite) et le Pasok (socialiste) et l'austérité stricte imposée depuis deux ans, aucune majorité ne s'est dégagée, et les tractations pour la constitution d'un gouvernement de coalition se sont avérées infructueuses depuis une semaine.
Le dirigeant socialiste et ex-ministre des Finances Evangélos Vénizélos a le premier annoncé l'échec, à l'issue d'une réunion de la dernière chance convoquée par le chef de l'Etat, Carolos Papoulias.
"Nous allons hélas de nouveau vers des élections, dans quelques jours, dans de très mauvaises conditions", a-t-il affirmé.
L'annonce du naufrage des discussions a fait chuter lourdement l'euro qui est tombé sous le seuil de 1,28 dollar pour la première fois depuis quatre mois.
Les principales bourses en Europe ont clôturé en baisse: Paris a perdu 0,61%, Londres 0,51%, Francfort 0,79% et Madrid 1,60%, sans toutefois céder à la panique. La bourse d'Athènes a perdu 3,62%.
"Cet échec ne constitue certes pas une surprise, mais assurément un risque de plus vers une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro", estime Alexandre Baradez, analyste chez Saxo Banque.
La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde a évoqué mardi à Paris la possibilité d'une "sortie ordonnée" de la Grèce de la zone euro, dans un entretien accordé à la chaîne de télévision France 24.
"Si les engagements budgétaires de ce pays n'étaient pas tenus, il y a des révisions appropriées à faire et cela veut dire soit des financements supplémentaires et du temps supplémentaire soit des mécanismes de sortie qui devrait être une sortie ordonnée dans ce cas", a-t-elle déclaré.
Sur la même tonalité pessimiste, le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, cité dans un communiqué reçu à Berlin, a jugé que l'échec d'un gouvernement de coalition en Grèce était "un revers sévère pour la confiance urgemment nécessaire en la capacité de réforme de la Grèce".
Selon les médias grecs, la date la plus probable du nouveau scrutin est le 17 juin, soit un mois après la proclamation officielle des législatives.
La date devrait a priori être connue mercredi lors d'une réunion des chefs de partis à 5H00 , encore une fois sous l'égide du président de la République Carolos Papoulias, mais cette fois-ci pour nommer un gouvernement dit "de service", uniquement chargé de gérer les affaires courantes et d'organiser le scrutin.
Antonis Samaras, chef de la droite Nouvelle-Démocratie, arrivé en tête du scrutin du 6 mai mais sans majorité, a mis en garde contre "le populisme aventuriste" de la gauche en dénonçant, comme M. Vénizélos, le refus d'Alexis Tsipras, chef de la Gauche radicale Syriza, de participer à un gouvernement de coalition.
De même, Fotis Kouvelis, le chef de la petite formation de gauche modérée Dimar qui a refusé d'apporter ses 19 députés en renfort d'une alliance conservateurs-socialistes, a imputé le naufrage à M. Tsipras.
Issu d'une scission du Syriza, M. Kouvelis avait conditionné son ralliement à une participation du Syriza, seul apte selon lui à prendre en compte le verdict des urnes.
Rejetant ces critiques, M. Tsipras dont le parti a créé la surprise le 6 mai, devant le deuxième parti de Grèce avec 16,7% des voix et 52 députés, a rétorqué que "les partis du mémorandum (droite et socialistes) avaient refusé d'adopter ses propositions" en mettant la gauche "devant le dilemme: mémorandum (plan d'austérité ou élections", ce qui équivaut pour lui à une sorte de "chantage".
"J'ai fait tout effort possible pour un gouvernement progressiste qui respecterait le vote du peuple. Notre principal axe est l'annulation des coupes salariales et des retraites", a ajouté M. Tsipras, qui a basé sa campagne électorale sur le rejet de la rigueur.
Invoquant le "danger" pesant sur le pays du fait de l'instabilité politique, le vieux chef de l'Etat avait tenté une dernière réunion mardi en proposant aux partis de s'entendre sur un cabinet de technocrates, censé parer aux menaces de faillite et de sortie de l'euro du pays, où s'est déclenchée la crise de la dette qui secoue l'Europe depuis 2010.
M. Papoulias avait fait lundi soir une ultime tentative de rallier aussi la formation nationalo-populiste Grecs Indépendants de Panos Kammenos, qui avait conquis 33 députés le 6 mai en s'opposant aussi frontalement à la rigueur.
Selon des sondages cette semaine, le Syriza est en mesure de devenir le premier parti du pays aux prochaines élections, avec un programme combinant rejet du memorandum et maintien du pays dans l'euro, ce qui a jusque là été rejeté comme inacceptable par les partenaires de la Grèce dans la zone euro.
Adoucissant le ton après des déclarations menaçantes et le revers électoral du parti de la chancelière allemande Angela Merkel lors d'une élection emblématique le week-end dernier, la zone euro a envoyé lundi soir un message de soutien à la Grèce. Elle a réaffirmé son soutien "inébranlable" au maintien de la Grèce dans l'Union monétaire, tandis que nombre de décideurs économiques soulignaient qu'une sortie grecque de l'euro coûterait très cher à l'économie européenne.