L'Espagne a emprunté jeudi 2,981 milliards d'euros à 2, 5 et 7 ans, mais rencontre de plus en plus de mal à se financer avec des taux d'emprunt à des niveaux records alors que le pays, malgré l'aide de la zone euro, continue de susciter de vives inquiétudes des marchés.
"C'est certainement la pire émission de l'année", s'est inquiété Daniel Pingarron, analyste d'IG Markets.
La somme levée se situe dans le haut de la fourchette fixée (2 à 3 milliards) mais les taux concédés sont en hausse par rapport aux dernières émissions similaires: 5,204% sur deux ans contre 4,335% le 7 juin, 6,459% à cinq ans contre 6,072% le 21 juin, et, pour l'échéance à sept ans, 6,701% contre 4,832% le 16 février.
Cette émission faisait figure de test d'autant que les coûts d'emprunt à sept ans sont très élevés, alors que le taux de référence à 10 ans s'approchait mardi matin des 7% (6,973%), une limite à partir de laquelle les investisseurs jugent très difficile pour un pays de se financer.
Indice de confiance des investisseurs, la prime de risque, soit le surcoût payé par le pays vis-à-vis de l'Allemagne, a atteint un nouveau record depuis la création de la zone euro à 571,2 points.
"Le plus préoccupant, c'est la très forte baisse de la demande sur les obligations à deux ans. Le ratio de demande a baissé de 56%. C'est sans précédent cette année", a souligné Daniel Pingarron. Ce qui pourrait signifier que les banques, principaux acheteurs de la dette espagnole, sont à la peine pour absorber les obligations mises sur le marché.
Il souligne également une "augmentation très forte de 38%" des taux d'emprunt à 7 ans, alors que les taux à 10 ans français, belges et autrichiens à 10 ans "ont connu un nouveau minimum historique".
Mariano Rajoy a reconnu fin juin que le pays ne pouvait pas continuer "longtemps à se financer" aux taux actuels que lui imposent les marchés, inquiets de la situation des banques et des comptes publics.
Mais le gouvernement cherche toujours à rassurer: le ministre de l'Economie, Luis de Guindos, a assuré mardi qu'il n'y aurait "pas de sauvetage" global de l'Espagne après l'aide européenne aux banques qui pourra aller jusqu'à 100 milliards d'euros.
Les ministres des Finances de la zone euro doivent finaliser vendredi les modalités de ce plan (taux, calendrier, conditions associées à ces prêts), et permettre le déblocage fin juillet de 30 milliards d'euros, qui seront mis en réserve en cas de besoin urgent de recapitalisation bancaire cet été.
En échange, l'Espagne a adopté un nouveau tour de vis budgétaire qui doit permettre de récupérer 65 milliards d'euros d'ici à fin 2014 et réduire le déficit public qui a atteint 8,9% du PIB en 2011. Un plan qui s'ajoute à un budget 2012 d'une rigueur historique avec 27,3 milliards d'euros d'économies.
Ces mesures ont amplifié la colère dans le pays où des fonctionnaires ont multiplié les manifestations depuis l'annonce des nouvelles mesures la semaine passée, dont l'augmentation de la TVA et la réduction du salaire des fonctionnaires cette année.
Les syndicats ont organisé jeudi une grande journée nationale de manifestations dans tout le pays et menacent le gouvernement d'une nouvelle grève générale s'il ne revoit pas sa copie.