Imposer les hauts revenus et mieux cibler les multinationales: le FMI a créé la surprise cette semaine à Washington en suggérant de lutter contre les déficits par une hausse des impôts.
Nichée dans un rapport sur la dette publique, cette inflexion a été largement éclipsée par les inquiétudes sur la crise budgétaire aux Etats-Unis, mais elle n'a toutefois pas échappé aux experts et aux ONG.
«Nous avons dû relire deux fois le rapport pour être certains d'avoir bien compris", assure à l'AFP Nicolas Mombrial, directeur d'Oxfam à Washington: »Rares sont les propositions du FMI aussi surprenantes».
Gardien de l'orthodoxie financière, le Fonds monétaire international, qui tient son assemblée générale cette semaine à Washington, appelle traditionnellement les Etats en difficulté à sabrer leurs dépenses publiques pour réduire leurs déficits.
Mais dans son rapport sous-titré «Le temps de l'impôt», le Fonds suggère de taxer les plus riches et leur patrimoine afin de «renforcer la légitimité» des plans d'économie et afin de lutter contre le creusement des inégalités.
«Il semble exister une marge suffisante dans beaucoup de pays avancés pour tirer davantage de recettes des plus hauts revenus», écrit ainsi le Fonds, qui note que la fiscalité pour les plus fortunés a été "nettement" baissée au cours des 30 dernières années.
Même taux que dans les années 1980
Selon ses estimations, taxer les riches aux mêmes taux que dans les années 1980 rapporterait en moyenne des recettes fiscales équivalentes à 0,25% du PIB dans les pays développés.
«Les gains seraient bien plus élevés dans certains cas comme aux Etats-Unis» où ils avoisineraient 1,5% du PIB, assure le FMI, qui pointe également les méfaits de l'optimisation fiscale des multinationales.
Aux seuls Etats-Unis, ces techniques légales privent le fisc de 60 milliards de dollars de recettes, estime le Fonds.
Une occasion unique
L'institution précise qu'elle ne souhaite pas «entrer dans le débat» sur la nécessité ou non de taxer les riches, mais assure qu'il existe une «occasion» unique de remanier l'architecture de la fiscalité internationale.
La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a assuré elle-même le service après-vente de ces nouvelles orientations. Une fiscalité plus juste «intéresse clairement les ministres des Finances et est nécessaire pour trouver un équilibre dans les finances publiques», a-t-elle déclaré mercredi dans une table ronde.
«Il y a tellement d'opportunités manquées», a-t-elle estimé.
Alors que le gouvernement français défendait une taxe de 75% sur les hauts revenus, retoquée par le Conseil constitutionnel, son ministre de l'Economie a salué timidement l'infléchissement du Fonds.
«Si l'idée de base, c'est que la politique fiscale est une politique qui vise à réduire les inégalités, je ne saurais m'en plaindre», a déclaré M. Moscovici lors d'une conférence de presse à Washington. Le ministre a tout juste salué une «évolution positive» mais a récusé tout «bouleversement considérable» du FMI.
A la tête de la lutte contre les paradis fiscaux et l'évitement fiscal des multinationales, l'OCDE s'est, elle, félicitée que le FMI rejoigne son combat.
«On voit ça d'un bon oeil. Il y a de la place pour tout le monde. Le Fonds peut amener une vraie contribution sur les analyses économiques», indique à l'AFP Pascal Saint-Amans, chef de la division fiscale à l'Organisation de coopération et de développement économiques.
En coulisses, une sourde bataille se joue toutefois entre les deux organisations pour prendre le leadership de l'offensive sur les paradis fiscaux sous l'égide des pays du G20.
La révolution copernicienne du FMI n'en est par ailleurs qu'à ses balbutiements. Dans son rapport, le FMI continue d'oeuvrer pour un élargissement de l'assiette de la TVA, impôt jugé inégalitaire par nature par certains, et sur les baisses de dépense publique.
"Ces propositions vont donc dans le bon sens, mais tout reste encore à faire", commente M. Mombrial, appelant notamment le Fonds à en faire davantage contre les flux illicites de capitaux qui font perdre, selon l'ONG, 800 milliards de dollars de recettes fiscales aux pays du Sud.