ANALYSE – The rather dangerous Monsieur Hollande (le plutôt dangereux Monsieur Hollande).
Le magazine britannique The Economist n’y est pas allé avec le dos de la cuillère, fin avril, en publiant un dossier en une au titre percutant pour expliquer à quel point l’élection du socialiste François Hollande (et l’élection d’une majorité socialiste à l’Assemblée nationale) pourrait être « mauvaise » pour la France et l’Europe.
Dans son analyse, tout y passait, du programme économique des socialistes à la proposition de François Hollande de miser aussi sur un pacte de croissance – et non pas seulement sur un pacte d’austérité – pour tenter de résoudre la crise financière européenne.
Or, si l’on se fie aux coûts d’emprunt de la France, les marchés financiers n’ont pas conclu que l’élection de François Hollande était dangereuse. Le cas échéant, les coûts d’emprunt de la France auraient explosé et l’écart entre les taux français et ceux de l’Allemagne (la référence en Europe) aurait augmenté. C’est le contraire qui s’est produit.
Ainsi, les coûts d’emprunt de la France (pour les obligations de 10 ans, l’étalon de mesure pour évaluer les coûts d’emprunt des États) ont fondu de 30 % depuis trois mois, selon Bloomberg. Le 30 avril (François Hollande avait gagné le premier tour de l’élection présidentielle), les marchés demandaient 2,961 % pour acheter les titres français ; le 31 juillet, ils n’exigeaient que 2,063 %.
Plus important encore, l’écart entre les coûts d’emprunt de la France et de ceux de l’Allemagne s’est rétréci de 40%. Le 30 avril, le «spread» sur les obligations de 10 ans entre les deux pays était de 1,298 point. Or, le 31 juillet, il avait chuté à 0,778 point.
Avant le premier tour de la présidentielle (le 22 avril), alors que la droite était au pouvoir, l’écart franco-allemand était plus élevé qu’au 31 juillet : 1,198 point le 31 janvier, 1,014 point le 29 février et 1,086 le 30 mars.
Enfin, pour mettre les choses en perspective, à la fermeture des marchés le jeudi 2 août, le taux des obligations de 10 ans de la France (2,06 %) était sensiblement le même que celui de la Norvège (1,89 %), un pays à qui les trois principales agences de notation (Standard & Poor’s, Moody's et Fitch) accordent pourtant la meilleure cote, soit le triple A. Deux des trois agences accordent le triple A à la France.
Les analystes que nous avons consultés s’entendent pour dire que les marchés financiers ne perçoivent pas l’élection de François Hollande et la nouvelle majorité des socialistes à l’Assemblée nationale comme une catastrophe.
«Monsieur Hollande a su se positionner et avoir un discours qui n’a pas enflammé les marchés financiers», constate Paul-André Pinsonnault, directeur du groupe économie et stratégie à la Financière Banque Nationale.
Le président français s’est engagé à réduire le déficit de la France tout en proposant des mesures pour stimuler la croissance économique. Même la chancelière allemande Angela Merkel s’est montrée ouverte aux suggestions de François Hollande pour stimuler l’économie, tout comme la Banque centrale européenne.
Pour sa part, Mathieu D’Anjou, économiste principal au Mouvement Desjardins, souligne que la réduction des coûts d’emprunt de la France ces derniers mois «montre que les marchés financiers, pour le moment, classe encore la France comme un pays relativement sûr».
Bref, les marchés n’ont pas conclu que la France, dirigée par les socialistes, se joindrait au club des «PIIGS» (Portugal, Italie, Irlande, Grèce, Espagne), ces pays très endettés, dont trois (la Grèce, le Portugal et l'Irlande) ont dû réclamer l’aide de l’Europe.
Cela dit, la France fait face à des défis de taille. Le 2 mars, 25 des 27 pays de l'Union européenne (UE) - dont la France - ont signé un nouveau pacte de discipline budgétaire. Cet accord oblige les membres de l'UE à avoir un déficit budgétaire ne dépassant pas 3 % de leur PIB, à compter de 2013.
Or, pour atteindre cet objectif l’année prochaine, la Cour des comptes (l’équivalent français du Vérificateur général) estime que le gouvernement devra faire un effort budgétaire de 33 milliards d’euros (40 milliards de dollars), et ce, en réduisant ses dépenses et en augmentant ses revenus. Paris y arrivera-t-il? Du reste, la France respectera-t-elle son engagement?
Ce qui semble être clair en revanche, c’est que la France restera dans la zone euro quoi qu’il arrive, affirme Philippe Grégoire, professeur en structures des marchés financiers à l’Université Laval. «La Grèce pourrait quitter la zone, peut-être même le Portugal. La France, elle, restera.»
C’est pourquoi, selon lui, les coûts d’emprunt de la France et de l’Allemagne sont appelés à converger. «Les pays qui resteront dans la zone euro intégreront davantage leurs politiques économiques et fiscales. Ce qui se traduira par une harmonisation de leurs coûts d’emprunt.»