Oubliez le virus d'Ebola ou la montée de groupe État islamique au Moyen-Orient. C'est la crise économique en Europe qui constitue le risque numéro un menaçant de faire dérailler l'économie mondiale en 2015.
Voilà l'un des points forts de la tribune sur les perspectives mondiales en 2015 organisée ce vendredi par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), à laquelle participaient les économistes en chef du Mouvement Desjardins, de la Banque Nationale et de la Caisse de dépôt en placement du Québec.
Pour François Dupuis de Desjardins, une troisième récession dans la zone euro depuis la crise financière de 2007-2008 serait tout simplement catastrophique pour l'économie mondiale. Le cas échéant, la croissance mondiale ne pourrait pas atteindre le rythme de 3,8% en 2015 anticipé par le Fonds monétaire international (FMI).
Les trois piliers de la zone euro - l'Allemagne, la France et l'Italie - sont aux prises avec de graves problèmes, sans parler d'un risque de plus en plus grand et inquiétant de déflation.
Relativement épargnée depuis quelques années, l'économie allemande est rattrapée par la déprime généralisée du Vieux Continent. Le 9 octobre, les quatre principaux instituts de prévisions économiques du pays ont revu à la baisse leurs prévisions, tablant sur une mince croissance de 1,2% en 2015.
Selon Paul Fenton de la Caisse de dépôt, l'Allemagne va clairement «moins bien», notamment en raison des sanctions économiques imposées à la Russie à la suite de son intervention en Ukraine - 3% des exportations allemandes sont destinées au marché russe.
L'Italie est aussi très mal en point, alors que la déflation frappe à la porte. Écorchée tout autant, la France peine à amorcer les réformes économiques nécessaires pour relancer sa production. En 2015, son économie devrait progresser de 1,1% (0,4% cette année), selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Pour Stéfane Marion de la Banque Nationale, la France a besoin d'un électrochoc pour relancer son économie, notamment par une déréglementation et une plus grande ouverture à la concurrence. À ses yeux, le secteur privé étouffe.
À l'autre bout du monde, le Japon - la troisième économie mondiale après les États-Unis et la Chine - est une autre source d'inquiétude.
Car, malgré toutes les stratégies mises en place par le gouvernement japonais depuis deux ans, le pays n'arrive toujours pas à relancer son économie. Bref, le Japon continue de «s'enliser» depuis 20 ans, affirme François Dupuis.
Les États-Unis et la Chine à la rescousse
En 2015, d'autres régions du monde devront stimuler la croissance économique mondiale pour contrebalancer l'anémie de l'Europe et la longue léthargie du Japon.
Les États-Unis en font partie, fait remarquer Stéfane Marion. La création d'emplois y est très dynamique; elle atteint même un rythme de croissance jamais vu depuis la crise financière de 2007-2008. Les entreprises sont aussi très rentables, et elles disposent de grandes liquidités.
La croissance du PIB aux États-Unis pourrait même atteindre les 3,1% en 2015, selon le FMI. Mais ce bond sera de courte durée, préviennent les économistes. Car, le nouveau potentiel de croissance de l'économie américaine - le «new normal» - se situe davantage autour de 2% par année.
Pour sa part, la Chine demeurera une source importante de croissance pour l'économie mondiale en 2015, selon l'économiste de la Banque Nationale. Car, même à un rythme de 6 à 7% par année, le géant asiatique représente une formidable machine économique qui importe des matières premières, des biens et des services.
D'autres pays émergents sont à surveiller, dont l'Inde (1,1 milliard d'habitants) et l'Indonésie (250 millions d'habitants), la nouvelle «usine du monde».
Par ailleurs, les trois économistes affirment que les taux d'intérêt sont appelés à augmenter aux États-Unis. Mais à terme, dans 2 ou trois ans, le taux directeur de la Réserve fédérale américaine (Fed) ne devrait pas dépasser les 2%.
Pour sa part, après avoir chuté ces derniers mois, le prix du pétrole devrait aussi remonter l'année prochaine, disent les économistes.
Sa valeur ne devrait toutefois pas surpasser les 95$US le baril. Actuellement, le Brent de la mer du Nord avoisine les 86$US, tandis que le West Texas Intermediate (WTI) s'établit à quelque 81$US.
Une hausse du prix du pétrole n'aurait rien pour stimuler la croissance économique en Europe et dans la zone euro - seule l'économie britannique se porte très bien.
Et les taux d'intérêt? Ils ne devraient pas augmenter à court terme sur le continent européen en raison de la crise économique et des risques de déflation. Cette semaine, la Banque de Suède a même abaissé son principal taux directeur... à zéro.