La Grèce croit fermement au succès de l'indispensable opération de restructuration de sa dette qui engrange au fil des heures depuis mercredi l'adhésion d'un nombre croissant des grands créanciers du pays avant l'expiration du délai officiel jeudi à 15h00, heure de Montréal.
Mercredi soir, les créanciers représentant plus de 55% des 206 milliards d'euros de la dette grecque concernés par cet effacement volontaire, avaient indiqué qu'ils participeraient à l'opération, sorte de semi-faillite contrôlée du pays visant à pacifier la zone euro.
Jeudi à la mi-journée, les Bourses européennes semblaient croire au succès de l'opération, la Bourse de Paris gagnant ainsi 2,13%, celle de Francfort 2,17% et celle de Londres 1,36%, peu après 5h, heure de Montréal.
Cet échange de titres, qui est aussi la plus importante restructuration de dette d'État jamais engagée, doit permettre d'effacer plus de 100 milliards d'euros de dette du pays sur une ardoise totale de plus de 350 milliards d'euros due par la Grèce.
Jeudi matin, à quelques heures du dénouement de ce vaste appel aux bonnes volontés des détenteurs de dette grecque, la majorité des médias grecs tablaient sur une participation des créanciers représentant au moins 75% de la dette.
Au-dessous de ce seuil la Grèce a prévenu qu'elle renoncerait à lancer l'opération, pourtant vitale, afin d'éviter au pays un défaut incontrôlé le 20 mars face à l'impossiblité de rembourser 14,4 milliards d'euros d'obligations arrivant à échéance.
Le délai qui expire jeudi à 20H00, heure de Londres (15h, heure de Montréal) ne concerne que les titres gérés par le droit grec, qui représentent 86% du total des obligations. Un délai supplémentaire court jusqu'au 11 avril pour les obligations relevant d'un droit étranger (suisse ou britannique) dont les détenteurs pourraient se montrer plus réticents à l'échange et aux pertes qu'il implique.
Pour les titres de droit grec, la publication du taux de participation interviendra vendredi matin, a indiqué à l'AFP une source ministérielle sans exclure une déclaration gouvernementale jeudi soir.
Le quotidien financier Naftemporiki soulignait vendredi "l'optimisme" du ministère des Finances sur l'issue de l'offre d'échange. Et le journal Ta Nea (pro-gouvernemental) jugeait l'opération "sur la bonne voie".
Interrogé par l'AFP, le ministère des Finances s'est cependant refusé à tout pronostic, assurant ne "pas savoir comment le processus avance", concédant cependant que "les grains s'ajoutent petit à petit dans le sac".
Parmi ces "grains" figurent pour l'heure les principales banques grecques et étrangères qui se sont déclarées prêtes à volontairement échanger leurs obligations contre de nouveaux titres d'une valeur réduite de plus de moitié, ce qui représentera une perte totale de 73% pour ces institutions, selon les termes de l'opération dont les détails ont été négociés pendant des mois entre le gouvernement grec et ses créanciers.
Comme pour convaincre les créanciers encore récalcitrants de se joindre au mouvement, l'Institut de la finance internationale (IIF) qui représente les principales banques de la planète, a égrené mercredi après-midi le nom de cette trentaine de grandes banques, assureurs et fonds d'investissement (Deutsche Bank, HSBC, BNP Paribas, Société Générale, Dexia...) qui ont donné leur accord.
Une adhésion dans laquelle le conégociateur en chef de l'opération, le Français Jean Lemierre, perçoit un signal fort: "c'est très important actuellement de voir que beaucoup d'institutions qui ont des montants importants (de dette grecque) vont à l'échange" a-t-il dit à l'AFP.
À part les grandes institutions, le reste de la dette grecque est dispersé entre des centaines de fonds d'investissement, fonds spéculatifs ou petites banques qui ne se sont pas manifestés et ne communiqueront pas forcément leur décision avant jeudi soir.
À l'issue du délai de candidature, la Grèce espère pouvoir compter sur une participation de plus de 90% du total de la dette éligible qui lui permettrait de procéder à l'opération en douceur, selon les termes prévus.
Le scénario catastrophe serait celui d'une adhésion inférieure à 75% qui précipiterait la Grèce vers un défaut brutal le 20 mars. Selon un rapport interne de l'IIF, un ratage de la restructuration ébranlerait l'économie européenne et mondiale. Opportunément dévoilée lundi, l'étude chiffre à 1 000 milliards le coût d'une banqueroute grecque.
Mais la trame la plus probable est celle d'un résultat médian, avec une participation entre 75 et 90%, qui pourrait donner un tour contraint à la restructuration.
Le gouvernement grec a en effet introduit, de manière rétroactive, des clauses d'action collective (CAC) dans les contrats régissant les obligations éligibles à l'échange. Ces clauses permettent d'imposer à l'ensemble des créanciers une modification qui n'aurait été acceptée que par une partie d'entre eux, en l'occurence 75%, selon le seuil fixé par la Grèce.
Le principal inconvénient d'un exercice des clauses serait le déclenchement vraisemblable des CDS (credit default swaps), les contrats de couverture contre le risque de défaut, dont le montant net atteignait 3,2 milliards de dollars fin février.
"Si l'opération perdait son caractère volontaire (...) cela pourrait dégrader l'offre pour les créanciers", a prévenu Jean Lemierre dans une interview au Monde daté du 8 mars.
Une réunion téléphonique des ministres des Finances de la zone euro est prévue vendredi pour faire le point, discuter d'un éventuel déclenchement des CAC et de la mise en place du prêt de 130 milliards d'euros qui doit suivre l'opération.
Le ministre luxembourgeois des Finances, Luc Frieden, a rappelé mercredi qu'un échec de l'échange d'obligations remettrait en cause le deuxième plan d'aide au pays en appelant à une participation maximum des institutions bancaires.