L'Allemagne n'est pas le seul pays à «produire» des champions de l'exportation. Le Canada, la Belgique, la Suède, la France et l'Italie, entre autres, en regorgent également. Qu'ont en commun ces exportateurs ?
Ils partagent les mêmes caractéristiques et la même vision stratégique, soutient Dominic Deneault, associé principal chez Trebora Conseil, dans une étude réalisée en 2011 pour la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Intitulée «L'entreprise transnationale : développez l'ADN de la réussite à l'étranger», l'étude établit le «profil génétique» de l'exportateur idéal. Pour ce faire, Dominic Deneault a mené une série d'entretiens avec 27 leaders : 12 au Canada et 15 en Europe, dont ceux de trois sociétés allemandes, Brenntag, Grohe et Hugo Boss.
Avez-vous l'étoffe d'un exportateur ?
Ne devient pas exportateur qui veut. Les dirigeants doivent avoir les qualités requises. «Avant de penser bâtir une entreprise de calibre mondial, il faut une direction dont les membres sont de calibre mondial», insiste Dominic Deneault.
Son étude souligne 10 qualités de leader d'envergure mondiale, dont cinq sont intimement liées au commerce international : l'ouverture d'esprit, l'introspection, la sensibilité culturelle, l'adaptabilité et la capacité de négocier à l'international. Cette dernière est importante. C'est bien de vouloir vendre à l'étranger, mais encore faut-il être capable de mener à terme des négociations dans un environnement d'affaires, culturel et juridique fort différent de celui du Québec.
Les stratégies payantes
Dominic Deneault a décodé quatre gènes qui expliquent, selon lui, la raison pour laquelle des entreprises s'aventurent à l'international. Il s'agit des gènes du marché, de l'innovation, de l'efficience et des ressources.
«Les exportateurs qui se démarquent sont systématiquement ceux qui font des couplages entre ces gènes», dit-il, en précisant que le couplage marché-efficience est une stratégie fondamentale.
Cette approche a permis à Duplomatic Oleodinamica, un fabricant italien de vannes à commande hydraulique, de faire une percée aux États-Unis en achetant, en 2011, la division de composants hydrauliques de Continental Machines, une entreprise de Minneapolis.
Cette stratégie a permis à la société italienne d'éviter des mesures protectionnistes, en plus de réduire ses frais de transport (marchandises, composants, voyages), sans parler de la possibilité de s'implanter au coeur d'une grappe industrielle. «Notre présence sur les marchés locaux est effectivement l'une des clés de notre réussite», souligne aux Affaires Roberto Maddalon, chef de la direction de Duplomatic Oleodinamica.
Le couplage marché-innovation est aussi une stratégie porteuse, car elle permet de développer une offre de produits très personnalisée. C'est ce que fait Sfinc, un producteur belge de mélanges et d'ingrédients alimentaires. Par exemple, il propose des saveurs locales pour les croustilles en fonction des préférences culturelles des consommateurs.
«Notre réussite tient au fait que nous essayons de comprendre les gens en fonction de leurs goûts et de leur éducation», explique dans un courriel Christian De Wolf, chef de la direction de l'entreprise qui a fusionné en janvier avec le groupe français Savena.
Investir massivement en R-D
L'hyperspécialisation peut aussi propulser des exportateurs. C'est le cas de Forensic Technology. Cette société québécoise développe des systèmes d'identification balistique et de reconnaissance des armes à feu. Elle contrôle aujourd'hui 95 % du marché mondial de l'identification balistique.
Une autre québécoise, Exfo, un fournisseur de solutions de tests pour les opérateurs en télécommunications, détient 35 % du marché mondial du test optique par des équipements portatifs.
Être unique est insuffisant. Ces leaders investissent des fortunes en R-D. «Nous consacrons plus de 20 % de nos revenus à l'innovation, et cette proportion était de 30 à 40 % à nos débuts», explique Étienne Gagnon, vice-président d'Exfo.
LES QUALITÉS ET LES GÈNES DU LEADER
Introspection
Adaptabilité
Ouverture d'esprit
Sensibilité culturelle
Les quatre gènes de l'exportation
Gène du marché
Gène de l'innovation
Gène de l'efficience
Gène des ressources
Les couplages gagnants
Marché-efficience : l'entreprise se rapproche de sa production, de ses approvisionnements et de ses marchés.
Marché-innovation : l'entreprise combine développement du marché et innovation.
L'Allemagne est le troisième pays exportateur après les États-Unis et la Chine. Au terme d'une série de reportages consacrés aux exportateurs allemands, Les Affaires souligne les qualités qui font le succès des grands exportateurs du monde entier.