FRANCFORT (BLOGUE)– Hans-Erich Grimm sourit et prend quelques secondes avant de nous répondre : «Nous sommes rendus bien plus loin que le Made in Germany… Nous sommes dans une logique de Made by Samson», laisse tomber le chef de la direction des ventes de Samson AG, une grande entreprise familiale spécialisée dans la conception de vannes de régulation des fluides (vapeur, gaz, produits chimiques).
En entrevue au siège social de Samson, Hans-Erich Grimm répondait ainsi à la question que nous venions de lui poser: la limite que l’Union européenne veut imposer à l’utilisation du fameux label Made in Germany – un gage de qualité reconnu mondialement, qui donne un bon coup de pouce aux exportateurs allemands – vous inquiète-t-elle? L’attitude de l’homme d’affaires d’expérience tranche décidément avec celle de l’ensemble des industriels allemands.
Ces jours-ci, l’Association des Chambres de Commerce et d’Industrie monte aux barricades pour dénoncer et s’opposer à un projet de loi de la Commission européenne, l’organe législatif de l’Union européenne, à Bruxelles. Cette législation vise à interdire d’apposer le label Made in Germany sur les produits fabriqués en Allemagne, mais qui n’auraient pas au moins 45% de contenu local ou allemand.
Par exemple, pour qu’une machine à laver d’un coût de production de 100 euros soit certifiée Made In Germany, il faudrait que 45 euros soient le fruit du travail des usines allemandes. Or, actuellement, les règles communautaires européennes permettent à une entreprise allemande d’utiliser ce label pour faire fabriquer 90% d’une machine à laver à l’étranger si elle lui donne une touche finale dans une installation établie en Allemagne.
C’est un peu comme pour le label «bio» ou «équitable» pour la nourriture: des entreprises abusent du label Made in Germany, disent les autorités européennes. C’est pourquoi Bruxelles veut faire le ménage. Et ce projet de loi sur les règles d’origine vise l’Allemagne et d’autres pays comme la France. Les industriels allemands se sentent menacés par une législation qui menacerait la commercialisation ou l’attrait de leurs produits (automobiles, électroménagers, etc.) dans le monde.
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La marque, gage de qualité
Ce débat n’émeut toutefois pas Hans-Erich Grimm. «Quand j’achète un appareil électronique, ce n’est pas le label Made In Japan qui me garantit la qualité du produit; c’est plutôt de savoir qu’il a été fabriqué par Sony, par exemple.» Bref, pour cet industriel allemand, c’est la force de la marque Samson qui est un gage de succès de son entreprise sur les marchés d’exportation.
Les vannes de régulation de Samson – elle exporte 75% de sa production et a une chiffre d’affaires de 510 millions d’euros ou 662 M$ CA - sont notamment utilisées dans les complexes pétrochimiques, comme celui de Houston, le plus grand au monde. La qualité est le nerf de la guerre pour l’entreprise de Francfort, insiste Hans-Erich Grimm. «Si l’une de nos vannes est défectueuse, elle peut provoquer un accident et causer la mort de travailleurs!»
Comme les valves de Samson sont de grande qualité, ses clients à travers le monde sont prêts à les payer cher. «Nous sommes même capables de fabriquer des valves en Allemagne pour ensuite les exporter en Chine», dit le chef de la direction des ventes de l’entreprise.
Samson est à ce point confiante en son produit et en la force de sa marque qu’elle augmentera d’ailleurs de 20% sa capacité de production à son usine de Francfort, en 2013, et ce, malgré la force de l’euro et des salaires élevés de ses travailleurs allemands. Ces derniers sont toutefois très qualifiés, productifs, efficaces, en plus de bénéficier des équipements à la fine pointe de la technologie. C’est ce qui fait la force de Samson, et non pas le Made in Germany.
Notre journaliste François Normand est en Allemagne du 15 au 22 janvier pour interviewer des exportateurs allemands afin de mieux comprendre leur succès à travers le monde. Durant la semaine, il analysera aussi sur les affaires.com les défis économiques auxquels doit faire face l’Allemagne.