Les partis politiques chypriotes étudiaient mercredi un « plan B » pour empêcher une faillite de l'île après le rejet par le Parlement d'une taxe sur les dépôts bancaires, les bailleurs de fonds européens se montrant prêts à donner une deuxième chance au pays.
Jörg Asmussen, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), s'est dit « persuadé » qu'un plan de sauvetage était « dans le meilleur intérêt de Chypre et de tous les États membres de la zone euro », dans un entretien à l'hebdomadaire Die Zeit à paraître jeudi mais diffusé par avance.
La chancelière allemande Angela Merkel, qui s'est entretenue à plusieurs reprises avec le président chypriote Nicos Anastasiades, a pour sa part affirmé que trouver une solution pour Chypre était un « devoir » pour les pays de la zone euro.
À Nicosie, les réunions se succédaient pour trouver une solution à la crise, alors que les banques étaient toujours fermées pour empêcher une ruée aux guichets de clients inquiets et une fuite massive de capitaux.
« Un groupe composé d'experts de chaque parti politique s'est rendu à la Banque centrale pour discuter d'un plan B pour le financement et la réduction du montant de 5,8 milliards d'euro », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Christos Stylianides.
M. Anastasiades avait auparavant rencontré les responsables des partis politiques. Il doit présider à 18H00 (16H00 GMT) une nouvelle réunion de son cabinet.
La Commission européenne a affirmé de son côté que Nicosie devait présenter une solution garantissant que la dette publique chypriote, qui pourrait dépasser cette année 90% du PIB, restera supportable.
Dans le même temps, le ministre chypriote des Finances, Michalis Sarris, était mercredi en Russie pour essayer d'obtenir une extension du crédit de 2,5 milliards d'euros accordé à Nicosie en 2011 et qui arrive à terme en 2016.
Chypre est pris en tenaille entre les bailleurs de fonds européens -qui exigent qu'elle mette 5,78 milliards d'euros sur la table en échange d'une aide de 10 mds- et son allié traditionnel russe.
Russie, Eglise, gaz
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La mesure inédite de taxe sur les dépôts, qui met fortement à contribution les fortunes russes déposées à Chypre, a provoqué la colère de Moscou.
L'agence Moody's a évalué à 19 milliards de dollars les seuls avoirs de sociétés russes placés à Chypre, en raison de son régime fiscal très favorable, auxquels s'ajoutent 12 milliards de dollars d'avoirs de banques russes dans des établissements chypriotes.
À Nicosie, le journal chypriote Simerini voyait « une lumière au bout du tunnel alors que Chypre flirte avec la Russie » pour obtenir une aide.
Mais mercredi en milieu de journée, après une nouvelle rencontre de M. Sarris avec un haut responsable russe, le Premier vice-Premier ministre Igor Chouvalov, aucun accord se dégageait sur une aide de Moscou, selon une source gouvernementale russe.
Mardi soir, le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a estimé que la balle était dans le camp de Chypre, répétant que l'aide européenne ne dépasserait pas les 10 milliards d'euros, alors que Nicosie a besoin de 17 milliards d'euros pour faire face à sa dette et renflouer ses banques.
M. Dijsselbloem a « réitéré l'offre » de l'Eurogroupe qui consiste à ne plus taxer les dépôts inférieurs à 100.000 euros", en « regrettant » que le Parlement chypriote ait rejeté le plan réunissant les 5,8 milliards d'euros nécessaires grâce à une taxe sur tous les dépôts bancaires allant jusqu'à 9,9%.
Selon un porte-parole du gouvernement chypriote, une éventuelle nationalisation les fonds de pensions d'institutions publiques et semi-publiques pourrait rapporter 3 milliards d'euros. Une autre solution pourrait être la contraction du secteur bancaire, avec une fusion des deux principales banques pour réduire le montant de la recapitalisation nécessaire.
Autre piste: une aide de la puissante Eglise orthodoxe de Chypre. Son chef, l'archevêque Chrysostomos II, a rencontré M. Anastasiades et déclaré que l'Eglise était prête à mettre son énorme patrimoine foncier et ses avoirs à la disposition de l'Etat, sous forme de garantie.
Nicosie pourrait aussi jouer la carte énergétique grâce aux réserves de gaz récemment découvertes au large de ses côtes méridionales, qui laissent présager des revenus massifs d'ici un décennie.
Selon le quotidien Vedomosti, la banque russe Gazprombank, détenue à 41% par le géant public gazier Gazprom, a proposé à Chypre une aide financière en échange de licences d'exploitation du gaz naturel.