ANALYSE - La Banque centrale européenne (BCE) est en train de changer sa stratégie pour tenter de réanimer l'économie de la zone euro, en s'inspirant de la Réserve fédérale américaine (Fed). Et si les Allemands s'arrachent les cheveux, les investisseurs ont des raisons de se réjouir.
Par exemple, en octobre, la BCE a eu recours à une forme d'assouplissement quantitatif, une politique utilisée par la Fed, la Banque d'Angleterre et la Banque du Japon, pour relancer leur économie - cette stratégie a échoué au Japon, mais a donné des résultats probants aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Quand une banque centrale utilise l'assouplissement quantitatif, elle achète des actifs financiers (des titres d'État ou des actifs du secteur privé) qu'elle finance par l'expansion de ses réserves. Cela fait augmenter le prix de ces actifs et diminuer leur rendement.
Résultat? La hausse des réserves de cette banque centrale mises à la disposition des banques commerciales incite celles-ci à accroître l'offre de crédit aux entreprises et aux particuliers. C'est ce qui permet de relancer l'activité économique.
La Fed est un modèle à suivre, selon Ben Bernanke
En octobre, la BCE a donc a lancé un programme d'achat de titres adossés à des créances mobilières (Asset-Backed Securities), qui provenaient entre autres d'institutions financières et de PME.
Mais sa stratégie va beaucoup moins loin que celle déployée par la Fed et la Banque d'Angleterre, qui ont injecté des milliards de dollars dans le système financier en achetant notamment des titres d'État.
C'est ce qui explique d'ailleurs pourquoi les Américains et les Britanniques ont réussi à relancer leur économie, tandis que la zone euro n'y est pas arrivée, selon l'ancien président de la Fed, Ben Bernanke.
«Les États-Unis et le Royaume-Uni ont utilisé l'assouplissement quantitatif, et ils ont réussi à relancer leur économie. L'Europe continentale ne l'a pas fait, et n'a pas réussi à relancer son économie», a-t-il déclaré lors d'une allocution prononcée devant l'association CFA Montréal, le 19 novembre.
Selon bon nombre d'analystes, la nouvelle approche de la BCE est toutefois de bon augure, car elle a plus de chances de stimuler l'investissement des entreprises et la création d'emplois dans la zone euro que la seule réduction des taux d'intérêt.
La victoire de Mario Draghi sur l'orthodoxie allemande
Cette nouvelle stratégie de la BCE, on la doit à son président, l'italien Mario Draghi.
Il a réussi à convaincre le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (composé des six membres du directoire de la BCE et des gouverneurs des banques centrales nationales des 18 pays de la zone euro) établie à Francfort, en Allemagne, d'aller dans cette direction.
Les Allemands n'étaient pas très chaud à cette idée de recourir à l'assouplissement quantitatif, mais leur influence diminue avec l'élargissement graduel de la zone euro - elle comptera d'ailleurs un 19e pays membre, la Lituanie, à compter du 1er janvier 2015.
Les Allemands favorisent plutôt l'austérité budgétaire et des réformes pour relancer l'économie de la zone euro. Car ils craignent comme la peste que des pays comme la France et l'Italie repoussent les réformes nécessaires si la BCE intervient davantage pour stimuler l'investissement et la création d'emplois.
Or, à ce jour, l'approche allemande a donné peu de résultats dans la zone euro, disent la plupart des économistes. Les trois piliers de la zone euro - l'Allemagne, la France et l'Italie - sont en difficulté, sans parler d'un risque de plus en plus grand et inquiétant de déflation à la japonaise.
C'est pourquoi l'assouplissement quantitatif est sans doute la meilleure carte que peut jouer actuellement Mario Draghi, disent les analystes.
Ce vendredi, le patron de la BCE a même indiqué qu'il adopterait de nouvelles mesures d'assouplissement monétaire pour stimuler l'inflation. Des mesures qui pourraient porter sur des achats massifs d'obligations souveraines auprès des pays de la zone euro.
Ce qui constituerait une nouvelle entorse à l'orthodoxie monétaire allemande. Et un nouvel espoir pour les investisseurs.