ANALYSE - Ce risque est difficilement quantifiable, mais il menace les investisseurs présents en Europe. Ce n'est pas la faible croissance économique ou la déflation, mais plutôt la montée des partis anti-européens qui menace à long terme l'unité de la zone euro, voire de l'Union européenne.
Actuellement, près de 25% des députés européens - issus de 23 États membres - s'opposent ou rejettent d'une manière ou d'une autre soit l'Union, soit le processus d'intégration européenne, souligne une étude publiée en novembre par l'Institut Jacques Delors.
En France, le Front national est devenu une force politique majeure sur l'échiquier français. Récemment, le parti de Marine Le Pen a récolté 25% du suffrage lors du premier tour des élections départementales.
Selon certains analystes politiques, il n'est plus exclu qu'un jour Marine Le Pen remporte l'élection présidentielle, c'est-à-dire qu'elle gagne même le second tour pour devenir la présidente de la France.
Or, le FN est un parti xénophobe, qui prône notamment la sortie de la France de l'Union européenne et de l'euro.
Une victoire de Marine Le Pen entraînerait une crise politique, économique et financière majeure. Par exemple, une sortie de la France de la zone euro aurait un impact sur la valeur de la monnaie européenne et des taux d'intérêt.
Plusieurs analystes affirment qu'une solide reprise économique et une réduction du chômage en Europe suffiraient à susciter à nouveau un enthousiasme pour l'intégration européenne.
Bref, qu'un retour en force de l'économie ferait reculer les formations politiques prônant une sortie de l'UE, comme le Parti de la liberté (aux Pays-Bas), les Démocrates suédois, le Parti des citoyens libres (en République tchèque) ou le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni.
Or, ce ne sera pas suffisant, faisait récemment remarquer le chroniqueur en relations internationales Gideon Rachman du Financial Times.
Pourquoi une reprise économique n’affaiblira pas l'euroscepticisme
Pourquoi? Parce que l'euroscepticisme a des origines bien plus profondes que la mauvaise conjoncture économique qui afflige l'Europe depuis la crise financière de 2008.
Selon l'Institut Jacques Delors, plusieurs éléments sont à l'origine de l'euroscepticisme:
-la démocratie (des citoyens reprochent le manque de démocratie dans le processus de prise de décisions au sein des institutions européennes)
-la souveraineté nationale (la perte de souveraineté des États est décriée)
-le libéralisme (la libéralisation des marchés est souvent vue comme la cause de la montée du chômage et des inégalités en Europe)
-l’austérité et la solidarité (les restrictions budgétaires imposées par Bruxelles ou d'autres pays comme l'Allemagne sont dénoncées)
-l’identité (la construction d'une identité européenne au détriment des identités nationales est crainte)
C'est pourquoi les eurosceptiques critiquent ou rejettent l'UE en tant que système politique, en tant qu’espace de libre circulation et, de plus en plus, en tant qu’union économique et monétaire.
Les eurosceptiques ne forment toutefois pas un bloc monolithique. Ils forment deux sous-groupes, selon l'Institut Jacques Delors.
D'une part, les eurosceptiques plus modérées, qui critiquent l’UE et ses politiques, mais qui proposent des réformes pour tenter de l'améliorer.
D'autre part, les «europhobes» plus radicaux, qui rejettent l’appartenance européenne et qui appellent à une sortie de l'UE, de l'euro et/ou de l'espace Schengen (il assure une libre circulation des personnes dans 26 des 28 pays membres de l'Union).
Sans des réformes qui apporteront des réponses aux craintes - qu'elles soient justifiées ou non - des eurosceptiques, les partis anti-européens continueront donc de progresser dans les intentions de vote, craignent des analystes.
Pour les investisseurs, cela signifie un risque accru à long terme qu'un pays quitte l'Union européenne ou la zone euro. Ce qui aurait un impact sur la valorisation boursière des entreprises inscrites en Bourse en Europe, la valeur de l'euro, les taux d'intérêt, sans parler du niveau de croissance économique.