En très nette accélération depuis le printemps, l'économie britannique tire profit de l'activisme monétaire de la Banque d'Angleterre (BoE) qui favorise le rebond du marché immobilier et de la consommation, mais gare aux risques de nouveaux déséquilibres.
Après 0,4% au premier trimestre et 0,7% au deuxième, la croissance britannique s'est inscrite à 0,8% au troisième, son plus haut niveau depuis trois ans, selon une première estimation officielle publiée vendredi.
Signe du tournant pris récemment par la reprise, le Fonds monétaire international (FMI), jusqu'alors très critique de la politique d'austérité du gouvernement, a fortement relevé début octobre ses prévisions de croissance pour le pays à 1,4% pour 2013 (+0,5 point par rapport aux prévisions de juillet) et 1,9% pour 2014 (+0,4 point).
De quoi faire envie à la locomotive de la zone euro, l'Allemagne (0,5% et 1,4% de croissance attendus par le FMI en 2013 et 2014) ou à la France (0,2% et 1%).
«Après des déceptions répétées ces dernières années, les perspectives de l'économie (britannique) s'améliorent actuellement très clairement», note Michael Saunders, économiste de Citi.
Frappée de plein fouet par la crise financière, le Royaume-Uni a connu une profonde récession en 2008-2009 et n'a toujours pas retrouvé son niveau d'avant la crise, contrairement à l'Allemagne.
Plombée par la crise de la zone euro et l'austérité, le pays a ensuite alterné fin 2011 et début 2012 trimestres de croissance et de contraction du PIB -sans toutefois connaître de deuxième récession contrairement à ce qui avait été estimé initialement-avant de repartir sur les chapeaux de roues au printemps.
Pour les économistes, ce net rebond est dû principalement à la politique monétaire ultra-accommodante de la BoE qui a injecté 375 milliards de livres (634M$CA) dans l'économie.
«Les effets de la politique monétaire accommodante se ressentent désormais pleinement», souligne Martin Beck de Capital Economics.
Car, selon Michael Saunders, cette politique est "amplifiée par les mesures favorisant l'octroi de crédits (Funding for Lending) ainsi que par le programme +Help to Buy+" à travers lequel l'Etat accorde des prêts aux Britanniques pour acheter leur maison.
Prix de l'immobilier et moral des consommateurs
Ces mécanismes soutiennent l'immobilier, dont les prix sont revenus à des sommets. Un aspect fondamental pour la confiance en raison du «lien étroit entre prix de l'immobilier et moral des consommateurs» dans un pays où la majeure partie des prêts sont liés à la valeur des biens, explique Martin Beck.
La BoE a par ailleurs sorti une nouvelle arme début août, sous la houlette de son nouveau patron Mark Carney, en liant tout resserrement de sa politique à la baisse du chômage en dessous de 7%. Une trajectoire de taux ("forward guidance") destinée à accroître la visibilité, et donc la confiance, des entreprises et des ménages.
Dans ce contexte de regain de confiance, les Britanniques consomment et la progression des ventes de détail s'est inscrite à 1,5% sur le trimestre, au plus haut depuis début 2008.
«Il y a probablement une demande considérable réprimée jusqu'alors, particulièrement dans l'immobilier et l'automobile», dont les ventes sont à leur plus haut niveau depuis cinq ans, analyse Michael Saunders. «Les gens ont freiné sur les dépenses pendant de nombreuses années et doivent tout simplement en avoir marre de l'austérité personnelle», relève également Martin Beck.
Accusé ces dernières années d'avoir tué la croissance dans l'oeuf avec sa cure d'austérité, le gouvernement, qui a mis en oeuvre parallèlement de nombreuses mesures pro-entreprises en baissant notamment l'impôt sur les sociétés, tient sa revanche.
L'accélération de la croissance «montre que le dur labeur de la Grande-Bretagne paie et que le pays est sur la voie de la prospérité», s'est félicité un porte-parole du ministère des Finances.
Mais les économistes mettent en garde contre tout triomphalisme et soulignent le risque de déséquilibres alors que la crainte d'une nouvelle bulle immobilière a récemment émergé.
«Le rebond est provoqué par des améliorations de la demande plutôt que de l'offre et ne rééquilibre pas l'économie vers l'investissement et les exportations», regrette Michael Saunders. Et les derniers chiffr