ANALYSE - L'opération militaire de l'Arabie saoudite au Yémen déstabilise encore plus le Moyen-Orient, car elle accroît le risque d'une guerre directe - elle est indirecte actuellement - entre le royaume saoudien et l'Iran, en plus de favoriser l'expansion du groupe État islamique (EI).
L'Arabie saoudite est un pays musulman sunnite. De concert avec d'autres pays sunnites tels que le Qatar et le Koweït, le royaume saoudien a commencé jeudi à bombarder les positions des rebelles chiites au Yémen, les Houthis. Ces derniers sont soutenus par l'Iran, un pays chiite et rival traditionnel de l'Arabie saoudite.
Riyad intervient au Yémen à la demande du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi. Son gouvernement sunnite était incapable d'arrêter l'avancée des rebelles chiites, qui se sont rapprochés ces derniers jours d'Aden, deuxième ville du Yémen située dans le sud du pays.
Selon l'ambassadeur saoudien aux États-Unis, Adel al-Jubeir, cité par Le Nouvel Observateur, l'opération de l'Arabie saoudite «vise à défendre le gouvernement légitime du Yémen et à empêcher le mouvement radical houthi de prendre le contrôle du pays».
Le magazine français rappelle que le climat politique dans ce pays pauvre de la péninsule arabique - il a été séparé en deux États, en 1970, puis réunifié, en 1990 - s'est détérioré depuis septembre 2014, quand les Houthis ont envahi Sanaa, la capitale et la plus grande ville du pays.
Les miliciens sunnites ont attaqué Sanaa pour contester le pouvoir d'Abd Rabbo Mansour Hadi, et dénoncer un projet qui priverait leur fief dans le nord du Yémen d'un accès à la mer, en l'occurrence la mer Rouge menant au canal de Suez.
La crise au Yémen représente un risque géopolitique majeur pour les investisseurs.
Trois scénarios risqués pour les investisseurs
Trois scénarios risqués pour les investisseurs
- le Yémen risque la désintégration et la partition si une guerre civile s'installe à long terme dans ce pays musulman de 26 millions d'habitants, où 65% de la population est sunnite et 35% est chiite, selon la CIA, l'agence américaine du renseignement.
- le Yémen risque de devenir un État sans autorité centralisée, où les groupes terroristes pourront plus facilement foisonner et perpétrer des attaques dans la région et ailleurs dans le monde. L'organisation Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) est déjà très active au Yémen, sans parler de l'apparition récente du groupe sunnite État islamique, qui a perpétré le 20 mars une attaque contre des Chiites à Sanaa, faisant plus de 140 morts.
- la crise au Yémen accroît le risque d'un affrontement direct entre l'Arabie saoudite et l'Iran dans ce pays ou ailleurs au Moyen-Orient, où Riyad et Téhéran sont déjà à couteaux tirés, au premier chef en Syrie.
Au Moyen-Orient, l'Iran est au coeur d'un «axe chiite» formé du Hezbollah libanais (un mouvement politique chiite du Liban qui possède une branche armée), du régime irakien chiite (les Chiites dirigent le pays depuis le renversement de Saddam Hussein) et du régime syrien de Bachar Al-Assad (d'ascendance alaouite, une branche du chiisme).
Alors que l'Arabie saoudite souhaite la chute du régime de Bachar Al-Assad, l'Iran le soutient et veut qu'il demeure en place.
État islamique et nucléaire iranien
État islamique et nucléaire iranien
En fait, l'Arabie saoudite et l'Iran ne s'entendent que sur un enjeu au Moyen-Orient: stopper le groupe État islamique (EI), qui a créé un califat à cheval sur une partie de la Syrie et de l'Irak.
Mais leur nouvel affrontement indirect au Yémen risque d'affaiblir leur lutte commune contre l'EI, estiment certains analystes.
Enfin, comme toile de fond, reste l'enjeu crucial du nucléaire iranien.
L'Iran et le groupe P5 + 1 (États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne) tentent de négocier un accord concernant le nucléaire iranien.
Si l'Iran renonce à fabriquer la bombe atomique, les Américains et les Européens lèveront les sanctions économiques qui étouffent l'économie iranienne.
Le pire cauchemar des Saoudiens est que l'Iran se dote d'armes nucléaires, ce qui changerait les rapports de force dans la région.
La crise au Yémen aura-t-elle un impact sur ces pourparlers, alors que les États-Unis soutiennent politiquement l'opération militaire menée par l'Arabie saoudite?
Chose certaine, un échec éventuel des pourparlers entre l'Iran et le groupe P5 +1 serait une bien mauvaise nouvelle pour le Moyen-Orient.
Et pour les investisseurs, car la région deviendrait encore plus instable.