ANALYSE - Malgré la sympathie dont ils bénéficient en Occident, les étudiants prodémocratie qui manifestent à Hong Kong ne pourront pas gagner, car Pékin ne le permettra pas. D'une part, parce que le gouvernement craint un «printemps chinois» en Chine. D'autre part, parce qu'il vise à faire de l'ancienne colonie britannique une ville chinoise comme les autres.
La présente crise à Hong Kong a débuté lorsque Pékin s'est engagé à permettre l'élection au suffrage universel du chef exécutif du territoire en 2017 (comme le prévoit l'accord encadrant la rétrocession de la ville à la Chine, en 1997), mais à la condition que les candidats soient approuvés par le gouvernement chinois.
Dans le système actuel, le chef de l'exécutif est élu par un comité de 1200 personnes, composé essentiellement de représentants de l'establishment de Hong Kong.
Or, les manifestants prodémocratie de Hong Kong réclament que cette élection soit ouverte à tous les candidats qui souhaitent se présenter - une chose que, du reste, Londres n'a jamais autorisée lorsqu'il administrait Hong-Kong entre 1842 et 1997.
Permettre à Hong Kong de devenir une véritable démocratie est impensable pour le parti communiste chinois, soutiennent en choeur les spécialistes de la Chine.
Même si cette ville ne compte que sept millions d'habitants (ce qui représente 0,5% de la population de la Chine), le précédent qui serait créé serait dangereux pour les autorités chinoises. Celles-ci craignent comme la peste l'agitation sociale dans ce pays de 1,3 milliard d'habitants, où les manifestations sont déjà très nombreuses.
Selon un rapport publié en 2011 par Human Rights Watch, entre 250 et 500 manifestations sont organisées chaque jour en Chine. Elles réunissent de plusieurs dizaines à plusieurs milliers de participants, d'après les statistiques officielles et celles issues de travaux de recherche. Sur une base annuelle, cela représente de 91 250 à 182 500 manifestations par année.
Hong Kong perdra son statut spécial en 2047
De plus, il ne faut jamais oublier que le statut spécial dont bénéficie Hong Kong à l'intérieure de la Chine communiste depuis 1997 - en vertu du principe d'«un pays, deux systèmes» - prendra fin en 2047.
Bref, après une transition de 50 ans, Hong Kong deviendra une ville chinoise comme les autres.
Du reste, l'ancienne colonie britannique l'est déjà de plus en plus, font remarquer certains analystes, dont ceux du magazine Foreign Policy.
Par exemple, lors de sa rétrocession à la Chine en 1997, l'économie de Hong Kong représentait un peu plus 18% du PIB chinois. Aujourd'hui, le territoire pèse pour un peu moins de 3% de l'économie de la Chine, et ce, en raison de la croissance économique fulgurante du pays depuis une trentaine d'années.
Actuellement, Hong Kong est le premier centre financier de la Chine, en plus de faire partie des principales places boursières dans le monde. Mais sa prédominance est menacée par les projets du gouvernement chinois de faire de Shanghai le principal centre financier du pays.
Certes, Hong Kong demeurera une place financière importante en Chine (comme l'est par exemple Chicago aux États-Unis) en raison de son expertise dans les services financiers et de la maîtrise de l'anglais de son élite financière.
Cela dit, les Chinois apprennent très vite, et la génération montante éduquée en Chine sait de plus en plus parler anglais.
Autre enjeu: l'État de droit dans l'ancienne colonie britannique.
Actuellement, Hong Kong dispose d'un État de droit s'appuyant sur la Common Law. Ce système garantit les libertés publiques et la liberté de la presse, sans parler d'un environnement d'affaires stable, transparent et prévisible pour les entreprises et les investisseurs.
Vers une dégradation de l'environnemment d'affaires ?
Mais que se passera-t-il en 2047, quand le statut spécial dont bénéficie le territoire prendra fin?
La Chine acceptera-t-elle que Hong Kong dispose d'un système juridique différent du droit chinois?
Il reste 33 ans à la période de transition s'appuyant sur le principe d'«un pays, deux systèmes», ce qui peut sembler une éternité. Mais dans une perspective à long terme, c'est une question que les citoyens, les entreprises et les investisseurs de Hong Kong doivent se poser.
Par ailleurs, la liberté de la presse s'est déjà effritée depuis la rétrocession de Hong Kong à la Chine, selon l'association Reporters sans frontières. Ainsi, l'ancienne colonie britannique est passée du 18e rang, en 2002, au 62e rang, en 2013, dans le classement de RSF mesurant la liberté de la presse dans le monde.
Certains y verront un alignement du territoire sur la Chine continentale, et ce, même si la presse y reste encore bien plus libre que celle des médias chinois dont l'asservissement à Pékin est quasi total.
Dans ce contexte, à quoi ressemblera la sortie de crise à Hong Kong avec les manifestants prodémocratie?
Les analystes sont prudents, bien que la plupart semblent écarter pour l'instant une répression du mouvement étudiant comme celui de la place Tiananmen à Pékin, en 1989.
Chose certaine, le développement d'une démocratie à l'occidentale à Hong Kong est pratiquement impossible, selon les spécialistes de la Chine.
Car, ne l'oublions pas, c'est la Chine qui avalera Hong Kong à terme, et non l'inverse.