ANALYSE - Oubliez les prophètes de malheur. Même si l'entente sur le nucléaire iranien crée de la volatilité sur le marché mondial du pétrole, un choc qui ferait chuter les prix et les empêcherait durablement de remonter «paraît improbable», affirme la Financière Banque Nationale.
«Il est plus probable, en fait, que la détérioration continue de la situation géopolitique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord fasse monter le prix du baril», font remarquer Pierre Fournier et Angelo Katsoras, respectivement analyste géopolitique et premier associé à la FBN, dans une récente analyse sur l'Iran.
Par conséquent, le scénario brandi par certains analystes voulant que le prix tombe à 15 ou 20 $US le baril - le West Texas Intermediate avoisine actuellement les 51-52$ - en raison de l'augmentation des exportations iraniennes est exagéré.
Certes, l'Iran a d'importantes réserves de pétrole. Selon la Financière Banque Nationale, le pays abrite 9 % des réserves prouvées dans le monde.
À son apogée, en 1974, un an après le premier choc pétrolier, la production iranienne a même atteint 6 millions de barils par jour.
Or, aujourd'hui, l'Iran ne produit qu'environ 2,7 millions de barils par jour, dont 1 million est exporté, selon l'Agence internationale de l'énergie et la firme de recherche Energy Aspects.
Si le groupe P5 + 1 (États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne) et l'Iran concluent un accord final pour empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique, les sanctions économiques seront graduellement levées, permettant à l'Iran d'exporter plus de pétrole.
Le gouvernement iranien estime qu'un million de barils supplémentaires pourraient être exportés à terme, portant les exportations totales du pays à 2 millions.
C'est ce qui inquiètent plusieurs analystes, mais à tort, prétend la FBN.
«À notre avis, ces scénarios sous-estiment gravement les difficultés qui attendent les producteurs de pétrole iraniens», affirment Pierre Fournier et Angelo Katsoras.
Voici pourquoi.
Les obstacles à un retour en force de l'Iran
1. L'Iran manque de capitaux. Sans les investissements majeurs des grandes pétrolières occidentales pour moderniser les infrastructures et la technologie, la production iranienne stagnera et déclinera éventuellement.
Certains des plus grands puits de pétrole du pays affichent un taux annuel d'épuisement (ou de déclin) de 15%. De plus, des investissements d'au moins 30 milliards de dollars américains par année seront nécessaires pour stopper la perte de productivité, affirme le magazine The Economist.
«La mise en production de nouveaux gisements constituera aussi un défi», écrivent les deux analystes de la FBN.
2. Les pétrolières retourneront graduellement en Iran. Même si les sanctions économiques sont graduellement levées, les pétrolières occidentales ne se précipiteront pas en Iran.
D'une part, parce qu'elles réduisent actuellement leurs dépenses en immobilisations. D'autre part, parce que les risques géopolitiques demeureront sans doute élevés en Iran pendant un bon moment.
3. L'Iran n'est pas favorable à l'investissement étranger. À ce chapitre, les pétrolières font face à deux obstacles de taille.
Le premier, c'est que les lois iraniennes interdisent tout simplement la propriété étrangère d'actifs pétroliers et gaziers.
Le second tient au fait que les technocrates de Téhéran, dont beaucoup sont près des Gardiens de la révolution (qui contrôlent une bonne partie de l'économie iranienne), n'accueilleront pas à bras ouverts les nouveaux concurrents, selon la FBN.
Enfin, il faut s’attendre à une vive opposition de l'OPEP et de l'Arabie saoudite, qui verront sans doute d'un mauvais oeil les tentatives de l'Iran d'accroître sa production et ses exportations de pétrole dans un marché mondial déjà saturé.