ANALYSE - Pas une semaine ne passe sans que des analystes occidentaux ne s'inquiètent du ralentissement de la croissance économique en Chine, souhaitant le retour d'une progression plus forte du PIB chinois à près de 10%. Eh bien, ils devront déchanter, car la Chine souhaite une croissance moins rapide, mais plus durable, sous la barre des 8%.
«Notre modèle de croissance est inefficace et insoutenable», déclarait d'ailleurs le 13 mars le premier ministre chinois Li Keqiang, lors de la conférence de presse clôturant l'Assemblée nationale populaire, à Beijing. Une rencontre avec les journalistes au cours de laquelle le chef du gouvernement a réitéré sa détermination à lutter contre la pollution en Chine.
Cette lutte à la pollution dans la deuxième économie mondiale est mal comprise en Occident. Quiconque a déjà mis les pieds en Chine sait à quel point l'air peut y être irrespirable dans certaines villes. En janvier 2013, la qualité de l'air s'est tellement détériorée en Chine que le gouvernement a dû s'engager à prendre les grands moyens pour combattre la pollution.
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le niveau acceptable pour la santé humaine de particules fines qu'on peut trouver par mètre cube d'air ne doit pas dépasser 25 microgrammes. Or, en janvier 2013, la concentration a frôlé les 1 000 microgrammes dans le nord et l'est du pays, incluant la capitale Beijing.
Pendant cette crise, des milliers de personnes ont été hospitalisées. La situation était à ce point critique que l'épais brouillard chargé de particules a même perturbé les transports routiers, sans parler des vols qui ont dû être annulés dans les aéroports! Cette crise environnementale a marqué les esprits et a provoqué une prise de conscience collective aux quatre coins du pays.
Trop de croissance crée de la richesse, mais détruit l'environnement
Aujourd'hui, les autorités chinoises comprennent que si une forte croissance économique de 10% par année crée de la richesse (le PIB double tous les sept ans à ce rythme), elle détruit en revanche des actifs environnementaux (la qualité de l'air, de l'eau et des sols), sans parler des coûts supplémentaires que la pollution engendre sur les dépenses en santé.
Selon plusieurs estimations, la croissance économique effrénée de la Chine détruit l'environnement du pays pour une valeur représentant environ 5% du PIB chinois.
En 2013 seulement, cela représentait des dégâts de l'ordre de 420 milliards de dollars américains. Trop abstrait? Ce montant représente 23% du PIB du Canada, et beaucoup plus que celui du Québec. On comprend mieux pourquoi Beijing désire désormais une croissance moins rapide, mais plus durable pour l'économie chinoise.
Fini donc la croissance folle du PIB frôlant les 10% par année. Une croissance qui est aussi, du reste, trop intensive en capital, et ce, de l'énergie à la main-d'oeuvre en passant par les ressources naturelles. Dans les prochaines années, la Chine visera plutôt des taux de croissance - fort respectable - oscillant de 5 à 8%, estiment des spécialistes de la Chine.
Du déjà vu en Asie. Car, après une croissance folle surpassant les 10 % dans les années 1960 (on parlait alors du miracle japonais), le Japon a lui aussi subi une décélération, comme la Chine le vit actuellement. Un processus qui est normal quand une économie se modernise et que le secteur des services prend de l'importance dans la production nationale, disent les économistes.