Tous les investisseurs étrangers en Chine se posent cette question: quel est mon principal risque? La lutte interne au sein du parti communiste? Le déclenchement d'un soulèvement populaire ou d'un «printemps chinois»? La corruption? La dégradation de l'environnement? Eh bien, cela pourrait être tout simplement l'inefficacité économique de la Chine, qui devrait faire chuter sa croissance à 4% par année après 2020.
Oui, oui, vous avez bien lu: 4%. Toute une dégringolade par rapport à la croissance de 7,3% du PIB chinois enregistrée au troisième trimestre. C'est le Conference Board qui fait cette sombre prévision économique, dans une étude publiée à la fin du mois d'octobre, qui s'intitule The Long Soft Fall in Chinese Growth. Une étude qui n'a malheureusement pas eu beaucoup d'écho dans les médias québécois et canadiens.
Selon le Conference Board, la Chine se heurte à trois problèmes structurels: sa population diminue, le rendement de l'investissement y décline, et sa productivité chute.
La population diminue
Un beau paradoxe s'il en est un dans un pays de 1,3 milliard d'habitants: la Chine manque de main-d'oeuvre. Sa population active - les personnes âgées de 15 à 59 ans - diminue depuis quelques années, un phénomène qui touche du reste la plupart des pays industrialisés.
Le groupe des 15 à 59 ans représentait 67,6 % de la population totale en 2013, selon le National Bureau of Statistics en Chine, l'équivalent de Statistique Canada. En 2012, c'était 69,2 %. Non seulement ce déclin est rapide, mais il n'est pas sur le point de s'arrêter.
«La population active a commencé à se contracter en 2012, et elle devrait continuer à le faire dans un avenir prévisible», écrivent les deux auteurs de l'étude, David R. Hoffman et Andrew Polk.
Pourquoi la population active décline-t-elle en Chine? Le grand responsable est la politique de l'enfant unique implantée dans les années 1970 et 1980, afin d'éviter une explosion de la population chinoise. Pékin a récemment assoupli cette loi. Malgré tout, la Chine n'a pas encore observé une accélération marquée du taux de natalité.
Deux autres facteurs freinent une remontée de la population active. D'une part, les jeunes urbains ne veulent pas avoir plus d'enfants, en raison de la hausse du coût de la vie dans les villes chinoises, surtout dans les provinces côtières industrialisées. D'autre part, la Chine n'est pas un pays d'immigration, attirant les jeunes du monde entier comme le Canada ou les États-Unis.
Le rendement de l'investissement décline
Le ralentissement de la croissance économique à 4% après 2020 tient aussi à la baisse du rendement des investissements en capital réalisés en Chine, notamment par les étrangers.
Dans leur étude, les auteurs du Conference Board soulignent que le rendement de l'investissement diminue constamment en Chine depuis une trentaine d'années.
Au début des années 1980, quand la Chine amorçait la libéralisation de son économie sous la gouverne de Deng Xiaoping, il avoisinait environ 27 % par année. Aujourd'hui, le rendement de l'investissement a pratiquement fondu de moitié, pour s'établir à près de 15 %.
Conclusion? Pour le Conference Board, l'allocation du capital financier est carrément devenue «inefficace» en Chine, et ce, malgré les sommes colossales investies dans l'économie par les investisseurs chinois - incluant le gouvernement - et les investisseurs étrangers.
L'enjeu est de taille pour les investisseurs européens, américains ou canadiens. À eux seuls, les investissements directs étrangers ont totalisé 117,6 milliards de dollars américains en 2013, faisant de la Chine la deuxième destination des IDE au monde après les États-Unis (159 G$ US).
La productivité chute
Enfin, la croissance chinoise pâtira aussi du déclin de la productivité en Chine - la quantité de PIB produite dans une heure de travail par un salarié chinois.
Selon le Conference Board, la productivité chinoise décline depuis la crise mondiale financière et économique de 2007-2009. Ce qui signifie «que l'économie est moins efficace chaque année», affirment les auteurs de l'étude.
En 2007, les gains de productivité ont contribué à 6 points de pourcentage de la croissance de 14,2 % enregistrée par le PIB chinois. Bref, la productivité comptait pour près de la moitié de la croissance économique de la Chine.
Or, cette contribution est depuis en chute libre. En 2010, elle ne représentait plus que 2,9 points de pourcentage (pour une croissance du PIB de 10,4 %). Et en 2013, la part des gains de productivité était pratiquement nulle (pour une croissance du PIB de 7,7 %).
Défis et occasion pour les multinationales
Dans ce contexte, la Chine fera face à plusieurs défis importants, selon le Conference Board.
Par exemple, les disparités économiques entre les villes chinoises risquent de s'accroître. Le chômage augmentera également avec le tassement de la croissance économique à 4% après 2020. Les prix pourraient aussi diminuer dans le marché immobilier.
Malgré tout, la Chine demeure un marché très intéressant les entreprises et les investisseurs étrangers, conclut l'étude de Conference Board. Même à 4% de progression du PIB par année, la Chine demeure un marché en croissance - un taux du reste que tous les pays industrialisés rêveraient d'avoir.
Le pays demeure aussi compétitif pour la production manufacturière, malgré la hausse des coûts de production par rapport à d'autres pays asiatiques comme le Vietnam ou le Cambodge. Enfin, les entreprises étrangères peuvent encore y augmenter substantiellement leurs ventes de biens et services avec l'accroissement de la classe moyenne.