Premier centre financier de Chine, 8e port du monde, place boursière incontournable, porte d'entrée des entreprises occidentales en Asie....Voilà comment Hong Kong est perçue sur l'échiquier mondial. Alors qu'elle est concurrencée par Shanghaï et Singapour et qu'elle cherche à assurer son dynamisme, l'ancienne colonie britannique essaie de se réinventer en ville créative.En plus d'investir des milliards de dollars dans l'innovation et la technologie, l'Autorité administrative de Hong Kong multiplie les initiatives en design, en architecture et sur le plan culturel. Et ses portes sont ouvertes aux entrepreneurs étrangers actifs dans ces domaines.
En juin, un nouveau repère pour les créateurs (designers, artisans) a été inauguré au centre-ville. Il s'agit d'un vaste bâtiment de 18 000 m2, appelé le PMQ (pour Police Married Quarters). C'est que dans les années 1950, il a hébergé les quartiers résidentiels des policiers chinois et leurs familles. La ville a cédé le bâtiment pour 1 $ à un organisme sans but lucratif, qui l'a converti en ateliers pour les créateurs, et le PMQ est financé par l'ouverture de restaurants, de magasins, de bars et de lieux d'exposition. On y offre des programmes d'incubation, des formations et des séminaires à l'intention des créateurs. Une centaine d'entre eux y ont élu domicile, dont 10 % viennent de l'étranger, et bénéficient de loyers à prix réduits. À Hong Kong, les coûts de l'immobilier sont astronomiques. L'archipel, qui abrite une population de 7 millions d'habitants, a une superficie de 1 000 km2, dont seulement 25 % sont habitables à cause des montagnes. Alors, l'espace vaut de l'or. Le centre accueille aussi des créateurs en résidence.
C'est en 2009, dans la foulée de l'initiative des villes créatives de l'UNESCO, que Hong Kong a créé Create HK, avec un budget initial de 300 millions de dollars de Hong Kong ($ HK), soit 50 M $ canadiens, qui a triplé en 2013.
L'organisme gère plusieurs initiatives de promotion et de soutien aux industries de création, notamment le Centre de design de Hong Kong - qui offre lui aussi un programme d'incubation à 50 start-ups -, où le loyer est gratuit la première année et réduit de 50 % l'année suivante. Du soutien est offert pour le développement de produits, le prototypage, la promotion et les formations.
Le Centre organise des conférences, des concours, et invite des designers célèbres de partout dans le monde. Le Danemark est un habitué.
«Ce n'est pas dans les coutumes de notre gouvernement d'être interventionniste et de se mêler de l'environnement d'affaires des entreprises. Mais on se rend compte qu'il faut mettre en place rapidement un nouvel écosystème pour faire émerger les industries créatives à Hong Kong. Et pour cela, le gouvernement est prêt à donner un coup de pouce», signale Edmund Lee, le directeur du Centre.
M. Lee a lancé cette année une Biennale du design en partenariat avec la ville de Schenzen, en Chine continentale. Située à 30 minutes de train de Hong Kong, Schenzen est un grand centre manufacturier. L'objectif est de mettre en lien designers et manufacturiers.
«La Chine veut grimper dans la chaîne de valeur. Elle veut créer, pas seulement copier», explique à cet effet Charles Ng, directeur de InvestHK, une agence qui souhaite attirer les investisseurs étrangers à Hong Kong.
Le Centre de design a aussi pour mandat d'éduquer le milieu des affaires, la population et les fonctionnaires sur la valeur ajoutée du design. C'est en fait un changement de paradigme important, car à Hong Kong, on valorise les carrières en droit, en finance, en immobilier, en logistique ou en génie. Pas les industries créatives.
«Avant que je ne décide d'être designer, mes parents m'ont forcée à devenir avocate», témoigne la dessinatrice de mode Debbie Leung, rencontrée dans son atelier au PMQ.
En 2005, les industries créatives représentaient 3,8 % du PIB de Hong Kong. En 2012, c'était 4,9 %, relate Jerry Liu, directeur de Create HK.
Au cours de ces années, l'économie du secteur de l'architecture a triplé (de 3 à 9,2 G $ HK). Celui des services de design aussi (de 1 à 3,3 G $ HK) tandis que celui des logiciels a doublé (de 16,5 à 37,8 G $ HK).
Hong Kong est aussi un centre important dans le cinéma et le textile, mais cela remonte à plusieurs décennies.
«Les industries créatives figurent parmi les secteurs en plus forte croissance à Hong Kong, et elles sont les plus importantes en matière de valeur ajoutée et d'emplois créés», ajoute M. Liu.
L'émergence d'une classe créative ne se fera pas du jour au lendemain dans cette ville où l'argent est une valeur dominante, comme en témoignent les innombrables centres commerciaux qui vendent à prix exorbitants les grandes marques occidentales.
Quartier des spectacles
Pour créer, il faut aussi être exposé aux arts. D'où l'importance du nouveau quartier des spectacles de 40 hectares que Hong Kong vient de créer de toutes pièces avec du remblai dans la partie ouest de la ville.
Situé en bordure de mer, le West Kowloon Cultural District (WKCD) accuse cinq ans de retard. Il devrait être terminé en 2020. Il comprendra 17 bâtiments, dont un musée d'art contemporain, le M+ Museum qui sera plus vaste que le MOMA de New York ; plusieurs salles de concert ; et un grand espace public pour des festivals en plein air - une nouvelle tradition pour la ville.
La salle d'opéra, appelée Xiqu Center, a été dessinée par un architecte de Vancouver, Bing Thom. Au coût de 350 M $ CA, elle sera le premier édifice inauguré en 2017. Le directeur des services techniques du quartier est également canadien : Paul Hennig, un ancien du Centre national des arts à Ottawa. Le quartier coûtera près de 40 G $ HK (près de 7 G $ CA). Ce sera le plus grand projet culturel depuis la fondation de Hong Kong.
Ce qui est particulier - et innovant pour Hong Kong - c'est que l'endroit sera entièrement piétonnier, et que les nouveaux immeubles ne compteront que quelques étages, un contraste important avec les gratte-ciel environnants.
«L'élément culturel faisait défaut àcette ville, relate Michael Lynch, directeur du projet et ancien directeur l'opéra de Sydney. C'est la faute aux Anglais, je dois dire.»
Hong Kong veut être créative. Peut-on établir un lien avec le mouvement Occupy Central, qui réclame plus de démocratie à Hong Kong et qui en était à son deuxième mois de manifestations pacifiques dans les rues du centre-ville, lors de notre passage ? Plusieurs le sous-entendent, mais ne le disent pas tout haut...
Les frais de voyage pour ce reportage ont été payés par le Hong Kong Economic and Trade Organization (HKETO).
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