Chute de la demande, envolée du huard, nouvelle concurrence. Depuis une décennie, toutes les raisons sont bonnes pour faire dégringoler les exportations du Québec vers les États-Unis.
En 2000, nos exportations en terre américaine totalisaient 63,5 milliards de dollars canadiens (G$) contre seulement 40,3 G$ l'an dernier. Une baisse de plus de 23 G$, soit l'équivalent d'environ 10 % du PIB québécois. De 2008 à 2009, on parle d'un manque à gagner de 11 G$...
Malgré la déconfiture de nos exportations, le marché américain reçoit encore plus des deux tiers de nos exportations. Par sa profondeur, sa richesse et sa proximité, il sera toujours important pour les entreprises québécoises. Néanmoins, l'époque où les fabricants pouvaient y vendre leurs produits sans trop de difficulté est révolue.
La concurrence étrangère s'est accrue. " Les entreprises chinoises sont bien ancrées dans le marché américain ", souligne Hélène Bégin, économiste principale au Mouvement Desjardins. Le Japon et l'Allemagne nous talonnent, sans parler du Mexique, dont les entreprises, comme les nôtres, ne sont pas soumises à des tarifs douaniers pour exporter aux États-Unis en vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
Nos entreprises doivent donc cibler, cibler et encore cibler leurs marchés pour se tailler une place aux États-Unis, disent les spécialistes. " Il faut être différent et unique, puis chercher pour qui ces caractéristiques sont importantes, dit Pierre Trudel, associé principal d'Avantage Interaction client, un consultant en commerce international. De toute façon, les entreprises n'ont pas les ressources marketing pour viser tous les consommateurs. "
Des cibles, nous en avons déterminé six, en collaboration avec le ministère québécois du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation (MDEIE). Les six secteurs de l'économie américaine les plus stratégiques pour le Québec sont le marché du gouvernement fédéral, de l'aérospatiale, des sciences de la vie, des technologies de l'information et des jeux vidéos, du transport public, et de l'énergie et de l'environnement.
Ce sont des grappes dans lesquelles les entreprises québécoises brassent déjà des affaires, mais où il y a plusieurs occasions d'accroître les échanges, disent les entrepreneurs et les intervenants que nous avons rencontrés ces dernières semaines aux quatre coins des États-Unis.
" Nous sommes toujours acheteurs d'équipements, comme des systèmes de contrôle ou des systèmes de roulement à billes ", indique par exemple Benjamen D. Hempstead, chef ingénieur mécanicien d'Electroimpact, une PME de l'État de Washington qui fabrique des machines automatisées servant à assembler les ailes des avions de ligne.
Ces grappes feront l'objet de six grands reportages dans nos pages et sur notre site Web lesaffaires.com/monde jusqu'au 13 novembre. Nous vous expliquerons comment les entreprises d'ici peuvent atteindre le coeur de ces marchés stratégiques.
69 %
Pourcentage des exportations québécoises destinées au marché des États-Unis aujourd'hui, par rapport à 85 % en 2000.
POURQUOI LES EXPORTATIONS DU QUÉBEC SONT EN DÉCLIN
La concurrence étrangère est plus forte que jamais
Les exportateurs canadiens ont été déclassés par les entreprises chinoises en 2007. Aujourd'hui, la Chine est le premier exportateur de biens aux États-Unis.
D'où viennent les importations américaines1
Chine
193,9 G$ US
Canada
159,8 G$ US
Mexique
128,8 G$ US
Japon
66 G$ US
Allemagne
45,7 G$ US
1 en milliards de dollars américains (G$ US), de janvier à juillet 2010 Source : U.S. Census Bureau
La croissance du PIB américain est moins dynamique
Le recul des exportations québécoises aux États-Unis a commencé avant la récession.
L'industrie forestière - dont celle de la production de bois d'oeuvre - en est un bon exemple, selon Carlos Leitao, économiste en chef de Valeurs mobilières Banque Laurentienne : " Les mises en chantier aux États-Unis ont atteint un sommet en 2006, mais elles ont commencé à reculer cette année-là ", dit-il, précisant que cette situation a freiné les exportations de bois québécois sur le marché américain.
LES TÉLÉCOMS AU QUÉBEC PERDENT DU TERRAIN
" Au tournant de 2000, ce secteur, avec Nortel Networks en tête, était un des principaux secteurs d'exportation du Québec "
- Hélène Bégin, économiste principale au Mouvement Desjardins.
L'affaiblissement du secteur québécois des télécoms pèse dans la balance. En 2000, les équipements et les appareils de radio, de télévision et de télécommunication étaient au deuxième rang des exportations québécoises vers les États-Unis dans le secteur manufacturier, pour un total de 10,5 G$. En 2009 : 8e place, avec des exportations d'une valeur de 1,4 G$.
Source : Institut de la statistique du Québec
LE HUARD S'EST APPRÉCIÉ PAR RAPPORT AU DOLLAR AMÉRICAIN
À quelques centimes de la parité à l'heure actuelle, le huard est loin du plancher historique du 18 janvier 2002, quand il s'échangeait à 0,62 dollar américain ($ US).
Entre ce prix plancher et le pic du 6 novembre 2007 (1,08 $ US), le dollar canadien a bondi de 75 %. " Les entreprises n'étaient pas prêtes pour une telle appréciation ", dit Carlos Leitao, économiste en chef de Valeurs mobilières Banque Laurentienne.
Depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA en 1994, les exportateurs étaient plutôt habitués à un taux de change oscillant entre 0,65 $ US et 0,75 $ US.
1,08 $ US
6/11/2007
0,62 $ US
18/01/2002
Source : Statistique Canada
LES ENTREPRISES QUÉBÉCOISES NE SONT PAS ASSEZ PRODUCTIVES
Fautes d'être assez productives, les entreprises québécoises sont incapables de compenser l'effritement de leur marge bénéficiaire causé par l'appréciation du taux de change et par la faible demande de la part des États-Unis. " L'effet est décuplé, car on n'est pas productif ", dit Simon Prévost, président des Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ).
Valeur du PIB par heure travaillée
39,60 $ US Québec
41,80 $ US Ontario
44,80 $ US Canada
50,70 $ US États-Unis
Source : Mouvement Desjardins
Notre dossier sur lesaffaires.com
Encore plus d'informations sur ces grappes à cibler sur www.lesaffaires.com/monde/etats-unis
> des reportages photos;
> des entrevues avec des acteurs-clé de ces grappes;
> des sites Web à consulter pour aller plus en profondeur.
DES SECTEURS PROMETTEURS
Aérospatiale
Principale concentration: État de Washington, autour de Seattle, et un peu en Oregon.
Principaux acteurs : Boeing, Esterline et plusieurs fournisseurs.
Activités : Fabrication d'avions et d'équipements pour les industries civiles et militaires.
Sciences de la vie
Principales concentrations: Région de Boston et Californie.
Principaux acteurs : Massachusetts Medical Device Industry Council (MassMedic), Massachusetts Biotechnology Council (MassBio), Université Harvard et Massachusetts Institute of Technology (MIT).
Activités : Biotechnologies, fabrication d'équipements et de médicaments.
Informatique, TI, jeux vidéo et Internet
Principales concentrations : Silicon Valley, en Californie, et État de Washington.
Principaux acteurs : Microsoft, Google, et une foule de fournisseurs de services et d'équipements.
Activités : Conception de logiciels, de systèmes, de TI et de jeux vidéo.
Énergie et environnement
Principales concentrations: Californie, surtout dans le comté de San Diego.
Principaux acteurs : Clean Tech San Diego, État de Californie, villes et producteurs d'énergie.
Activités : Production et achat d'énergies renouvelables, achat de technologies et d'équipements.
Transport public
Principales concentrations : Californie, mais également Illinois, Floride et État de New York.
Principaux acteurs : Comtés de Los Angeles et de San Francisco, État de la Californie.
Activités : Achats de véhicules de transport (rames de métro, autobus, trains) et services associés.
Gouvernement fédéral
Principale concentration : Washington D.C.
Principaux acteurs : Les ministères, les agences fédérales comme le FBI et l'armée américaine.
Activités : Achats de bien et de services pour l'appareil gouvernemental, des ordinateurs aux chaises, en passant par des automobiles et des avions.