ANALYSE - Une nouvelle fort intéressante nous est venue de la Chine cette semaine, mais qui est passée inaperçue au Canada. Le premier ministre chinois Li Keqiang a indiqué que la Pékin traiterait «équitablement» les entreprises étrangères. Un début de normalisation avec l'extérieur qui a pris du temps à se mettre en place, et ce, principalement en raison de l'histoire tragique de la Chine.
Sous la présidence de Deng Xiaoping (1978 à 1992), la Chine a pris un virage majeur et s'est graduellement ouverte à l'économie de marché. Une ouverture au capitalisme qui s'est traduite par une croissance économique fulgurante depuis une trentaine d'années, qui a permis à des centaines de millions de personnes de sortir de la pauvreté extrême.
Malgré cette ouverture au commerce et aux investissements internationaux, les Chinois sont toujours demeurés relativement méfiants à l'égard des étrangers. Une méfiance qui étonne encore beaucoup d'analystes, mais qui s'explique avant tout par l'attitude des puissances occidentales à l'égard de ce pays, au 19e siècle et dans la première moitié du 20e siècle.
Durant cette période, elles ont mis la main sur une partie importante du territoire chinois dans les régions côtières, sans parler de l'occupation japonaise, de 1931 à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Plusieurs pays ont eu des concessions (territoires), dont l'Allemagne, le Royaume-Uni (Hong Kong n'a été rétrocédé à la Chine qu'en 1997), les États-Unis et la France.
Les vestiges de l'ancienne concession française de Shanghai (de 1849 à la fin de la Seconde Guerre mondiale) sont toujours bien présents dans la métropole du pays. Ce quartier de Shanghai abrite des maisons et des bâtiments publics dotés d'une architecture européenne. Mais la quasi-totalité des habitants de ce quartier sont aujourd’hui des Chinois.
Une honte nationale
Une honte nationale
Cette présence étrangère en Chine a été perçue comme une honte nationale, l'honneur étant primordial dans la culture chinoise. Aujourd'hui, les Chinois se souviennent - et on leur enseigne à l'école - que leur pays était la première puissance économique mondiale aux tournants des années 1800. Une domination qui a toutefois été réduite à néant par la montée en puissance des pays industrialisés.
À partir du début 19e siècle, plusieurs pays européens sont partis à la conquête de territoires en Asie. En Chine, ils ont d'abord voulu y vendre leurs produits, en forçant l'empire du Milieu - à l'époque une économie fermée au commerce international - à ouvrir son marché domestique aux exportations de produits étrangers.
Pékin refusa, notamment parce les Occidentaux voulaient vendre de l'opium en Chine. Un refus qui entraîna les guerres de l'opium (de 1839 à 1842 puis de 1856 à 1860). L'empire du Milieu perdit ces deux guerres: la première aux mains du Royaume-Uni, la seconde contre le Royaume-Uni, les États-Unis, la France et la Russie.
Après la Seconde Guerre mondiale et la création de la République populaire de Chine, en 1949, le pays est demeuré fermé. Cette situation a changé à partir des années 1970. Les États-Unis ont d'abord reconnu la Chine communiste, une petite révolution diplomatique. Deng Xiaoping a pris la direction du pays. Et, enfin, la Chine a joint l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en 2001.
La Chine a nouveau au sommet
La Chine a nouveau au sommet
Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis les guerres de l'opium. La Chine est devenue la deuxième économie mondiale. Et dans les prochaines années, elle reprendra sa place au premier rang, devant les États-Unis. Malgré tous les progrès économiques réalisés depuis les années 1970, les Chinois sont demeurés relativement méfiants à l'égard des étrangers, le protectionnisme et le capitalisme d'État en témoignent avec éloquence.
C'est pourquoi le signal envoyé mercredi par le premier ministre Li Keqiang est une bonne nouvelle pour les entreprises étrangères présentes en Chine ou celles qui y exportent des biens et des services. Bien entendu, il faudra voir dans les prochaines années comment cette nouvelle ouverture s'articulera dans les politiques publiques et la réglementation en Chine. Mais c'est néanmoins un pas dans la bonne direction.