Face à une double barrière anti-émeute érigée devant l'ambassade nippone à Pékin, des groupes d'étudiants chinois scandent "A bas le petit Japon!" et confirment leur colère par des jets d’œufs, de tomates et de bouteilles.
Aucun rassemblement statique n'est toutefois autorisé sur l'avenue Liangmaqiao, fermée à la circulation sur plus d'un kilomètre. Les manifestants descendent le grand axe dans un sens et le remontent dans l'autre, dans un circuit très canalisé survolé par un hélicoptère.
Le défilé dure ainsi depuis plusieurs jours, matin et soir, sous le contrôle de centaines de policiers militaires casqués et équipés de boucliers. En cause: la récente décision de Tokyo de nationaliser le petit archipel des Diaoyu, des îles de la mer de Chine orientale revendiquées par Pékin.
Chaque petit contingent de protestataires est précédé par des membres des forces de l'ordre habillés de noir. En tête de peloton sont brandis des portraits de Mao, le "Grand Timonier", crédité par beaucoup de Chinois du retour de la Chine dans le concert mondial.
A chaque passage devant la chancellerie japonaise, les bouteilles volent et d'identiques slogans fusent: "Rendez-nous les Diaoyu", "Mettez bas votre drapeau" ou encore "Foutez le camp, diables japonais".
Descendre dans la rue en Chine n'est jamais vraiment spontané et ce sont les autorités qui fixent les limites de l'exercice.
Aussi, dès que les esprits semblent trop s'échauffer, les hauts-parleurs de la police diffusent ce message enregistré: "Nous partageons votre ressentiment. Mais exprimez-vous d'une façon raisonnable. Respectez l'ordre. N'avancez pas à contresens. Merci de votre coopération".
Il n'empêche: la rage gronde vraiment dans une frange de la population, comme l'ont illustré ces derniers jours des débordements violents. Les restaurants japonais sont restés fermés mardi autour de l'ambassade nippone, dont les diplomates ont transmis des consignes de prudence à leurs ressortissants.
"Ma colère est si grande que je pourrais en mourir", confie à l'AFP Wang Ye, une retraitée venue manifester avec une de ses amies.
"Le 18 septembre, il y a 81 ans, l'armée japonaise a commencé sa guerre d'invasion. A la haine ancienne s'ajoute aujourd'hui de la haine fraîche. Je les hais à mort", s'emporte la femme de 50 ans, en faisant référence au jour du début de l'invasion nippone de la Mandchourie en 1931.
Autour d'elle, des hommes en âge d'être lycéens ou étudiants déroulent leurs calicots, qui paraissent avoir été imprimés au même endroit.
"18 septembre, les monts et les fleuves de notre pays pleurent. Diaoyu, nous ne nous séparerons jamais de vous", affiche une banderole. D'autres sont plus radicales, appelant à "frapper fort" les "chiens" de Japonais. Enfin des posters représentant le drapeau au soleil levant sont recouverts de marques de semelles, comme s'ils avaient été piétinés.
"Les Diaoyu font partie de la Chine depuis toujours", affirme à l'AFP Zheng Shuntao, un jeune employé d'une société d'informatique, en répétant la position officielle martelée jour et nuit dans les médias chinois.
"Jusqu'à maintenant le Conseil des Affaires de l'Etat (gouvernement), la Conférence consultative politique du peuple chinois (assemblée consultative), l'armée ont tous manifesté une attitude très ferme, et les gens simples aussi ont clairement marqué leur opposition au gouvernement japonais", se félicite-t-il, montrant ainsi qu'il est sensible à la propagande officielle.