ANALYSE DU RISQUE - Par le truchement de leur banque centrale, les États interviennent de plus en plus pour influencer la valeur de leur monnaie nationale ou pour stimuler leur économie. Ces politiques monétaires représentent un risque pour les investisseurs canadiens à l'étranger.
Quand vous investissez dans des actifs financiers à l'étranger (actions, obligations, etc. ), vous devez chaque fois régler leurs achats dans la devise nationale du pays. Et quand vient le temps de vendre ces valeurs, vous devez nécessairement convertir le produit de leurs ventes en dollars canadiens.
C'est à ce moment-là que vous courez le risque de voir cette devise étrangère se déprécier par rapport au huard. Si cela arrive, la perte de change peut effacer vos gains ou amplifier la perte sur la valeur même de l'actif financier dans lequel vous avez investi.
Plusieurs facteurs font fluctuer le niveau du dollar canadien par rapport aux autres devises, souligne une récente étude dirigée par l'économiste principal Hendrix Vachon, du Mouvement Desjardins, qui s'intitule L'internationalisation des PME québécoises: les enjeux reliés au taux de change.
Parmi eux, il y a bien entendu le prix des matières premières, surtout du pétrole, car le Canada est un important producteur de ressources.
Ainsi, plus la demande est forte pour nos matières premières à l'étranger, plus le dollar canadien s'apprécie. Par contre, le huard perd des plumes lorsque la demande diminue pour nos ressources.
C'est le jeu de l'offre et de la demande sur les marchés internationaux.
Les écarts de taux d'intérêt entre les partenaires commerciaux sont un autre facteur qui influence la valeur des devises.
Par exemple, quand les taux d'intérêt augmentent aux États-Unis alors qu'ils ne bougent pas au Canada, la demande pour les titres financiers américains s'accroît au détriment de la demande pour les actifs financiers au pays.
Les anticipations d'un élargissement ou d'un rétrécissement de l'écart des taux d'intérêt entre deux pays ont aussi un impact sur le taux de change. Pourquoi? Parce que ces anticipations font en sorte que des investisseurs achètent ou vendent des titres.
Nous sommes encore là dans un environnement où joue le jeu de l'offre et de la demande.
Quand les pays faussent les règles du marché
Mais une source de fluctuation du taux de change prend de l'importance: les interventions des banques centrales, dont l'indépendance à l'égard de leur gouvernement national varie d'un pays à l'autre.
L'étude de Desjardins souligne que plusieurs pays ont assoupli leur politique monétaire ces derniers mois, et ce, en réduisant les taux d'intérêt ou en injectant des liquidités dans leur système financier.
Par exemple, la Banque centrale européenne et la Banque du Japon ont adopté une stratégie d'assouplissement quantitatif (la banque centrale achète alors des titres obligataires) pour stimuler leur économie et prévenir une chute généralisée des prix (la déflation).
Pour leur part, la Banque du Canada et la Banque centrale d'Australie ont réduit leur taux directeur pour atténuer l'impact négatif de la baisse du prix des matières premières sur leur économie, en l'occurrence le pétrole, dans le cas du Canada.
Une tendance que les investisseurs qui détiennent des actifs à l'étranger ont tout intérêt à surveiller, fait remarquer Desjardins.
Vers une guerre des devises?
«La politique d'assouplissement monétaire s'est répandue dans plus d'une vingtaine de pays depuis le début de l'année 2015, ce qui ravive les craintes d'une guerre de devises», affirme l'institution financière.
Selon Desjardins, il est possible que certains pays aient adopté ce type de politique monétaire afin et faire baisser la valeur de leur devise pour relancer leurs exportations.
Une devise plus faible dans un pays renforce la compétitivité de ses entreprises à court terme, car elles peuvent ainsi vendre leurs produits moins chers sur les marchés internationaux.
Le hic, c'est que d'autres pays peuvent faire exactement la même chose pour s'assurer que leurs entreprises ne perdent pas leurs parts de marché à l'international au profit de la concurrence.
Pour atténuer vos risques de change à l'étranger, vous pouvez faire deux choses, selon Exportation et développement Canada (EDC), une agence fédérale.
D'une part, vous pouvez faire des opérations de couverture. Il s'agit d'une stratégie qui consiste à diminuer la différence entre les sommes versées et les sommes perçues dans une monnaie étrangère donnée, comme le dollar américain ou l'euro.
D'autre part, vous pouvez opter pour des opérations de couverture financière, en utilisant des contrats à terme, des options ou des swaps de devises.
Quand les fluctuations du taux de change sont strictement liées au jeu de l'offre et de la demande, il est plus facile de gérer le risque de change.
L'exercice devient toutefois beaucoup plus complexe quand les États s'en mêlent. Comme à l'heure actuelle.