Richard Lord, le pdg de Quincaillerie Richelieu, dévoile la recette qui pourrait permettre à l'entreprise montréalaise d'enregistrer des ventes supérieures à 500 millions de dollars dès cette année.
Une visite d'une salle d'exposition de Quincaillerie Richelieu (Tor., RCH) suffit pour comprendre le succès de cette entreprise, créée en 1968. Comptoirs de cuisine à la fine pointe, robinets et éviers sophistiqués, vaste choix de quincaillerie décorative, assortiments de vis, de ferrures, de rubans à mesurer, de masques antipoussières, et quoi encore. Tout pour combler les fabricants de meubles, les détaillants en quincaillerie et les designers, principaux clients de l'entreprise de l'arrondissement Saint-Laurent, à Montréal. «Notre catalogue compte 75 000 articles», lance Richard Lord, président et chef de la direction de Quincaillerie Richelieu. L'an dernier, il en a vendu pour plus de 400 millions de dollars (M $).
Cette réussite a sans doute convaincu les lecteurs du site LesAffaires.com de désigner pdg de l'année 2010 ce gaillard de 59 ans. Il se dit très honoré de cette marque de reconnaissance. «Devancer des gens comme Guy Laliberté [du Cirque du Soleil] et Alain Bouchard, d'Alimentation Couche-Tard, ça a été un beau cadeau pour le temps des Fêtes !»
Des gens de parole
Il faut dire que M. Lord a été très actif en 2010. Quincaillerie Richelieu a acheté une dizaine d'entreprises qui contribueront aux bénéfices de Richelieu. Si ce n'est pas aujourd'hui, ce sera demain. «Aux États-Unis, il faut faire des compromis à cause de la période difficile que ce pays vit. Nous préférons réaliser des acquisitions immédiatement rentables, mais nous envisageons surtout le positionnement pour l'avenir, lorsque la reprise sera assurée.»
Par «avenir», M. Lord songe aux 300 petits distributeurs américains de produits de quincaillerie, dont plusieurs pourraient être des cibles de choix. «C'est un secteur très fragmenté. Il y a un beau potentiel à long terme aux États-Unis», estime M. Lord. Environ 15 % des revenus de Quincaillerie Richelieu proviennent du sud de la frontière. Ce devrait être davantage, mais le marasme de l'immobilier a fait reculer les ventes de 30 % au cours des deux dernières années. Malgré tout, les activités de Quincaillerie Richelieu demeurent rentables aux États-Unis.
Depuis qu'il occupe le poste de président et chef de la direction, en 1988, M. Lord a conclu 40 acquisitions. Toutes ont bien tourné, dit-il. «Nous sommes des gens de parole. Un entrepreneur qui veut nous vendre son commerce sait que ça va être rapide. On a l'argent pour payer. Nos transactions ne sont jamais conditionnelles à ce qu'on obtienne un emprunt ou soumises à d'autres contraintes du genre.» En effet, Quincaillerie Richelieu disposait d'une encaisse de 53 M$ au 31 août 2010. Comme la société affiche un bilan sain, sa capacité de crédit se chiffre à environ 150 M$.
Quelles qualités doivent présenter les entreprises convoitées ? Il faut qu'elles amènent de nouveaux territoires, évidemment, mais aussi des produits qui enrichiront le catalogue de Richelieu. «Il est important qu'elle ait une solide réputation et une bonne équipe de ventes», indique le président.
Quincaillerie Richelieu ne choisit jamais de trop gros joueurs. La Financière Banque Nationale calcule qu'elle a payé 3,1 M$, en septembre dernier, pour mettre la main sur E. Kinast Distributors, de Chicago (Richelieu ne divulgue pas le montant de ses transactions). E. Kinast génère des ventes annuelles de 10 M$. Deux mois plus tôt, elle aurait versé 3,5 M $ pour la montréalaise Matériaux Industriels Gordon, dont les ventes annuelles se chiffrent à 15 M $.
La plus récente acquisition de Richelieu, Outwater Hardware du New Jersey, apportera
plus de 15 M$ en ventes additionnelles et contribuera immédiatement aux bénéfices de Richelieu. Outwater Hardware exploite un vaste centre de distribution de produits de quincaillerie spécialisée et décorative. Celuici dessert quelque 18 000 ébénisteries résidentielles et commerciales, fabricants d'armoires de cuisine, de salle de bains et de meubles, répartis dans 50 États américains. Grâce à cette acquisition, Richelieu renforce sa position dans la grande région de New YorkNew Jersey où elle possède trois centres de distribution, portant à 23 le nombre de ses installations aux États-Unis (34 au Canada, plus deux usines de fabrication).
Pour ce qui est de l'intégration des activités, la méthode est simple : Quincaillerie Richelieu contrôle les programmes de marketing, la gestion des marques et tous les aspects financiers des opérations. Le service, lui, continue d'être fourni par les effectifs en place. «Le sourire doit demeurer local», illustre M. Lord. Cependant, le personnel est formé selon les normes de Richelieu. «Tous nos employés doivent savoir de quoi ils parlent. C'est l'une de nos forces. Nos équipes de vente reçoivent en moyenne une journée de formation par mois.»
Objectif en 2011 : dépasser le cap des 500 M$ de ventes
Comme Quincaillerie Richelieu réalise 15 % de son chiffre d'affaires aux États-Unis et qu'elle s'approvisionne en Europe et en Asie, la force du dollar canadien lui cause-t-elle des soucis ? Pas vraiment, affirme le président et chef de la direction. «Nous sommes dans un secteur où l'on peut ajuster les prix selon les fluctuations.» Peut-être, mais les variations du taux de change ont pénalisé Richelieu aux États-Unis au cours des neuf premiers mois de l'exercice 2010. En effet, les ventes ont enregistré là-bas une hausse de 5,6 %, mais, compte tenu du mouvement des devises, elles ont baissé de 7,7 % à la suite de leur conversion en dollars canadiens.
Cette situation n'émeut pas M. Lord. Pendant cette période, note-t-il, les ventes consolidées de Richelieu ont progressé de 7,2 % à 329 M $. Cinq pour cent de cette hausse vient de la croissance interne et 2,2 %, des acquisitions. Le bénéfi ce net s'est accru de 40,6 % pour atteindre 28,9 M$ ou 1,33 $ par action. Les investisseurs ont tiré profit de cette performance financière. Durant ces neuf mois, l'action de Richelieu a bondi de plus de 20 %, sans compter le dividende trimestriel de 0,09 $ par action.
Le 2 décembre dernier, la société a annoncé le rachat de plus de 1 million de ses actions ordinaires, soit 5 % des titres en circulation. L'opération a commencé le 6 décembre 2010 et devrait se terminer le 5 décembre prochain. Le 25 janvier, l'action de Richelieu a clôturé à 30,80 $.
Pour 2011, 2012 et 2013, la Financière Banque Nationale prévoit des ventes de 515, de 531 et de 544 M$, respectivement. «On devrait battre facilement ces chiffres-là», tranche le président de Richelieu, sûr de lui.
Pour y arriver, il compte entre autres sur le commerce en ligne. Lancé il y a trois ans, le site transactionnel Richelieu.com génère actuellement 20 % des ventes faites aux manufacturiers. «C'est très efficace. Le système mémorise les achats et peut les classer par projet. Si un fabricant a 10 différents modèles de comptoirs de cuisines, il peut organiser ses commandes en fonction de chacun d'eux. Il contrôle mieux son travail», explique M. Lord.
En général, les commandes qui passent par Richelieu.com sont plus élevées, en dollars, que celles prises «manuellement».
Pourquoi ? Parce que, devant un ordinateur ou sur leur iPhone, les clients ont davantage le temps de peaufiner leurs commandes, alors qu'au téléphone, dans le brouhaha d'un chantier, ils ont tendance à parer au plus urgent seulement. De plus, Richelieu.com dispose d'un pratique «assistant de recherche», qui indique que l'installation de portes coulissantes, par exemple, nécessite la pose de tels et tels accessoires. «Grâce à cet assistant, nos clients gagnent du temps et réduisent les erreurs», fait remarquer le président.
Pas uniquement faire de l'argent
M. Lord hésite lorsque nous abordons la question de la relève. À 59 ans, ce gaillard est loin de songer à la retraite. «Je suis en pleine forme physique et j'adore ce que je fais», lance-t-il. Cependant, comme elle doit penser à demain, Quincaillerie Richelieu a adopté un plan de relève pour toute la haute direction. Dans le cas de son président, elle dispose de cinq ans pour lui trouver un successeur. L'été dernier, le conseil d'administration a mis en place une allocation de retraite d'une valeur de 1,7 M$, qui sera bonifiée jusqu'à 2,3M $ au 1er décembre 2016.
Pour l'heure, Richard Lord préfère parler de la croissance de Quincaillerie Richelieu. Une société ne réussit pas uniquement parce qu'elle fait de l'argent, croit-il. «Au début, on avait des valeurs. Avec les années, ces valeurs sont devenues une culture d'entreprise. Demandez à tous nos employés ce qui est le plus important, ils vous répondront que c'est de toujours satisfaire les clients. Avoir réussi à créer ce sentiment, je trouve que c'est une victoire.»
Sa recette ? être toujours en avance
Au cours des dernières années, les matériaux de construction et le design des meubles ont considérablement évolué. Les consommateurs exigent aujourd'hui des cuisines hautement fonctionnelles, des salles de bains tout confort et des solutions de rangement novatrices. Pas question de les décevoir. «Les designers et les architectes sont des gens créatifs toujours à la recherche de nouveaux produits. Nous devons leur en offrir tous les mois, sans quoi ils iront magasiner ailleurs», soutient Richard Lord.
Souvent, il s'agit d'idées simples. Par exemple, des tiroirs de commode qui s'éclairent lorsqu'on les ouvre, des portes d'armoires de cuisine qui s'ouvrent et se ferment au simple toucher ou encore des plans de travail dont la hauteur est facilement réglable. «Le service à la clientèle et l'innovation sont le fer de lance de notre entreprise.»
On pourrait croire qu'une imposante division de recherche et développement planche nuit et jour pour inventer de nouveaux accessoires. Pas du tout. Ce sont les «gérants de produits» de Richelieu, les clients et les fournisseurs qui génèrent le gros de l'innovation. Et puis, M. Lord et son équipe sont toujours à l'affût des nouvelles tendances. Au moment de réaliser cette entrevue, il préparait un voyage en Allemagne où se déroulera une exposition de designers issus de toute l'Europe. Il y fera le plein d'idées, bien sûr, mais il vérifi era également si Richelieu possède les articles du dernier cri. «Les nouveautés, c'est ce qui permet à nos 60 000 clients en Amérique du Nord de se démarquer en offrant des options originales aux consommateurs. Il faut toujours être en avance. Actuellement, nous travaillons sur les produits qu'on vendra en 2013», explique M. Lord.
67 %: Pourcentage des 1 300 employés de Quincaillerie Richelieu qui sont actionnaires de l'entreprise.
Des ventes et des profits en croissance
Profit net
2005 27,7 M$
2006 31,9 M$
2007 34 M$
2008 35,6 M$
2009 30,4 M$
2010¹ 28,8 M$
Ventes
2005 350,2 M$
2006 385,6 M$
2007 436,2 M$
2008 441,4 M$
2009 424,4 M$
2010¹ 329,1 M$
¹Pour les 9 premiers mois de l'exercice, au 31 août 2010
Source : Quincaillerie Richelieu
50 000
Nombre de clients de Quincaillerie Richelieu en Amérique du Nord. L'entreprise leur vend 75 000 produits, grâce à 58 centres de distribution et à deux usines.
Les petits secrets de Richard Lord...
Un autre métier qu'il aurait aimé exercer : Architecte ou designer
Une artiste qui l'inspire : Céline Dion
Une lecture qu'il recommande : Les Piliers de la Terre, de Ken Follett
Le dernier film qu'il a aimé : Gladiateur, de Ridley Scott
Un hobby : Travailler à son érablière
Son équipe de hockey favorite : Le Canadien de Montréal
Son joueur favori : Guy Lafleur