À trois semaines des élections de mi-mandat, le 2 novembre, républicains et démocrates redoublent d'ardeur pour faire élire leurs poulains au Congrès. Mais ce n'est pas la seule bataille qui fait rage dans la capitale américaine. Une autre lutte épique a lieu sans défrayer la manchette : la « guerre » pour les contrats fédéraux.
Ainsi, des milliers d'entreprises sont en lice pour devenir des fournisseurs de l'État fédéral. Chaque année, celui-ci achète pour plus de 600 milliards de dollars américains (G$ US) de biens et de services, sans compter les dépenses militaires. C'est presque trois fois le PIB du Québec. Au Canada, les achats fédéraux sont de 40 G$. Le géant Walmart a des revenus annuels de 400 G$ US.
« Le gouvernement américain est le plus important consommateur de biens et de services du monde », dit Judy Bradt, fondatrice et présidente de Summit Insight, en entrevue au chic City Club de Washington. Sa société aide les entreprises américaines et étrangères à faire des affaires avec le gouvernement. Mais ne devient pas fournisseur qui veut. Il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus.
Dur, dur d'être un fournisseur
Pour être choisie, l'entreprise doit montrer patte blanche, afficher un prix concurrentiel, avoir un bon produit et être capable de livrer la marchandise sans délai et selon les critères prévus. « L'État veut la meilleure valeur », dit Jim Regan, associé au cabinet Crowell & Moring, qui représente des entreprises auprès du gouvernement. Les règles varient selon les produits. Il est plus facile de vendre des bureaux au département du Trésor que de vendre des logiciels pour protéger le réseau informatique du Pentagone (le département de la Défense), situé sur l'autre rive de la rivière Potomac, à Arlington, en Virginie.
La relation d'affaires est le nerf de la guerre
L'origine des fournisseurs compte. « Pour un même produit ou service, il y a toujours une petite préférence pour les entreprises situées aux États-Unis », admet Jim Regan.
Rien à voir avec la clause du Buy American, qui favorise l'achat de produits locaux, mais qui permet tout de même aux exportateurs canadiens de vendre au gouvernement fédéral sous certaines conditions.
C'est avant tout une question de relations. Les fournisseurs doivent avoir des contacts réguliers avec plusieurs personnes au sein du gouvernement. Pour concurrencer cette préférence nationale, certaines entreprises canadiennes, comme CGI et CAE, se sont implantées depuis longtemps chez nos voisins du sud.
Comment CGI et CAE s'attaquent au marché
CGI, fournisseur de solutions en TI, possède même une filiale consacrée aux marchés du gouvernement américain, CGI Federal. Au sein du gouvernement, celle-ci offre ses services dans les domaines de la santé et celui de la finance.
Dans cette industrie, l'expertise est la clé de la réussite, selon George D. Schindler, le patron de CGI Federal, dont les bureaux sont à Fairfax, en Virginie. « Il faut bien connaître les règles et le fonctionnement de ce marché », précise-t-il.
Il y a plusieurs manières d'acquérir cette connaissance : partenariats avec des entreprises locales, embauche de consultants, achat de fournisseurs déjà en affaires avec l'État fédéral. En mai 2010, CGI a d'ailleurs acheté la société américaine Stanley, ce qui lui donne accès au secteur de la défense.
Le fabricant de simulateurs de vols CAE est aussi bien présent dans le marché du gouvernement fédéral, grâce à sa filiale CAE USA, située à Tampa, en Floride.
Pour se démarquer des géants Boeing et Lockheed Martin, la société mise sur deux facteurs : l'interaction avec ses clients et l'offre de produits de qualité, qui permettent aux clients de réduire leurs coûts.
« La proximité est très importante ", souligne Martin Gagné, président de groupe, Produits de simulation, formation et services associés - militaire. Même si l'entreprise a un bureau à Washington, le siège de CAE USA est à Tampa, car c'est là que se trouvent plusieurs quartiers généraux de l'armée américaine. " Nous avons même des bureaux directement sur des bases militaires », dit-il.
Les élections du 2 novembre pourraient toutefois chambarder les affaires des futurs fournisseurs. Car si les républicains, qui promettent de sabrer dans les dépenses gouvernementales, reprennent le contrôle du Congrès, les contrats pourraient être moins nombreux, et la guerre économique, plus féroce.
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Nombres de mois requis en moyenne pour décrocher un premier contrat avec le gouvernement fédéral des États-Unis, pour un investissement moyen de 80 000 $ US.
Source : What Winning Takes: How much Time & Money, une étude disponible sur le site summitinsight.com.
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