ANALYSE - Si vous pensez que la chute du prix du baril de pétrole a un impact important sur l'Alberta, eh bien, vous n'avez rien vu. Le Venezuela, treizième pays producteur au monde, est en train de plonger dans une profonde récession et une crise sociale qui pourraient déstabiliser ce pays.
En 2015, l'économie de ce pays d'Amérique latine de 28 millions d'habitants devrait se contracter de 7%, prévoit le Fonds monétaire international (FMI).
Dans une récente analyse sur le Venezuela, Pierre Fournier, analyste en géopolitique, et Angelos Katsoras, associé principal à la Financière Banque Nationale, affirment que le gouvernement présidé par Nicolas Maduro (leader du parti socialiste unifié du Venezuela) est confronté à trois choix douloureux:
- Imposer des compressions budgétaires draconiennes à une population qui souffre déjà de la faiblesse de l'économie vénézuélienne.
- Provoquer des pénuries de biens de consommation en imposant des restrictions sur les importations afin de limiter le recours aux faibles réserves de devises étrangères.
- Cesser de payer la dette du Venezuela, ce qui empêcherait non seulement le pays d'emprunter sur les marchés financiers, mais le mettrait aussi à risque de voir ses actifs pétroliers saisis à l'étranger (la société d'État pétrolière PDVSA exploite trois raffineries et un réseau de stations-service aux États-Unis).
Pourquoi le Venezuala est au bord du gouffre
Le Venezuela a vraiment le couteau sur la gorge.
Selon le Wall Street Journal, le gouvernement a besoin d'un prix du baril de pétrole s'établissant à environ 118 $US pour équilibrer son budget - il s'échangeait ce vendredi à quelque 50 $US...
Pis encore: en 2014, les exportations de pétrole du Venezuela représentaient 96% des revenus totaux d'exportation du pays. En 1999, cette dépendance était moindre, mais tout de même à 69%.
Et la chute des cours pétroliers n'est pas le seul problème auquel est confronté le pays. La production de pétrole est aussi en déclin.
Depuis 1999, elle a diminué de 25%, pour atteindre 2,5 millions de barils par jour en 2012 (le Canada en produit 3,8 millions, au 5e rang mondial), selon The World Factbook de la CIA, l'agence américaine du renseignement.
Ce déclin tient à deux facteurs, selon les deux analystes de la FBN:
- la nationalisation de l'industrie pétrolière et les politiques de gauche du gouvernement depuis une décennie ont refroidi les ardeurs de la plupart des investisseurs étrangers.
- PDVSA a été forcée de verser une partie importante de ses revenus pour financer les différentes initiatives du gouvernement, ce qui a empêché la société pétrolière d'effectuer les investissements nécessaires pour maintenir sa production.
C'est pourquoi le gouvernement est sur la corde de raide, avec de plus en plus de manifestations violentes dans les rues du pays pour dénoncer la crise économique, qui s'est transformée en crise politique.
Vers un renversement du gouvernement Maduro?
Actuellement, le taux de satisfaction de la population à l'égard du président Maduro s'élève à 22%. Après son élection en 2013, la moitié des électeurs avaient une opinion favorable du successeur de l'ancien président Hugo Chavez.
À trois reprises, de 1999 jusqu'à sa mort en 2013, Hugo Chavez a été élu avec plus de 50% du suffrage exprimé, principalement en raison des prix élevés du pétrole qui lui ont permis de financier des programmes sociaux.
Avec un baril de pétrole à 50 $US et une industrie pétrolière en déclin, Nicolas Maduro n'a plus cette marge de manoeuvre.
C'est pourquoi les élections parlementaires prévues à la fin de 2015 seront si cruciales, si du reste son gouvernement tient le coup jusqu'à cette échéance électorale.
Car le climat politique pourrait se détériorer rapidement, font remarquer Pierre Founier et Angelo Katsoras. «Le potentiel d'une escalade de la violence, incluant le renversement du gouvernement Maduro, ne devrait pas être sous-estimé.»
Pendant ce temps, en Alberta...