« Le Canada ne pourra pas échapper au marasme de l'économie mondiale. » Qui dit cela? Peter Hall, économiste en chef, d’Exportation et développement Canada (EDC), dans une étude portant sur les prévisions économique pour les trimestres à venir.
« L'économie mondiale est devenue léthargique au milieu de l'année 2010 et le climat de morosité persistera pendant quelque temps. La reprise se fera attendre pendant encore au moins un an et cette période s'annonce difficile - il s'agira d'un moment de vérité pour l'économie mondiale », ajoute-t-il.
Comment expliquer un tel pessimisme, alors qu’il y a six mois à peine nombre d’experts clamaient haut et fort que la reprise économique était amorcée dans nombre de pays développés? EDC, l’organisme de crédit à l’exportation du Canada, n’a pas de réponse franche à cette interrogation. « Le ralentissement de la croissance a déconcerté le monde entier », indique M. Hall.
Des chiffres trompeurs
Du coup, les stratégies de croissance à court terme risquent d'être mises à mal par quatre facteurs principaux, selon EDC :
- La nervosité s'est généralement emparée des consommateurs sur les grands marchés, qui représentent un moteur puissant de la demande mondiale. Déjà mobilisés par le remboursement de leurs dettes devenues trop lourdes, ils risquent d'affaiblir encore la demande en réduisant davantage leurs dépenses.
- Les mesures incitatives ont épuisé la plupart des ressources injectées dans l'économie par les politiques de relance. La viabilité et l'impact réel de nouveaux stimulants soulèvent des doutes sérieux.
- Les institutions financières demeurent réticentes à accorder des prêts. Or, le crédit est un élément vital de la croissance économique.
- Le ralentissement de la croissance fait couler les principaux marchés émergents qui, jusqu'ici, ont été les bouées de sauvetage de la demande mondiale.
Selon les prévisions d'EDC, après avoir connu un taux de croissance de 4,2% cette année, l'économie mondiale progressera au rythme de 3,9% en 2011. Ce recul sera surtout ressenti par les économies des pays développés où le taux de croissance se chiffrera à 2,4% en 2010, puis se repliera à 2,1% en 2011. Mis à part quelques exceptions, EDC prévoit que les marchés émergents seront également touchés par la faiblesse ambiante des marchés, mais que leurs taux de croissance se maintiendront en moyenne à 6,4% cette année et à 5,9% en 2011.
«De prime abord, les projections mondiales semblent plutôt encourageantes, mais en réalité elles occultent le ralentissement que nous observons actuellement. Pour 2010, la croissance est largement derrière nous. Les remarquables hausses successives du PIB enregistrées à partir du quatrième trimestre de 2009 ont alimenté le gros de la croissance en 2010, et les projections pour 2011 sont sauvées par une croissance qui ne se fera sentir qu'à la fin de l'année», nuance M. Hall.
« Ingéniosité et détermination »
Ainsi, les exportations canadiennes se maintiendront à un niveau inférieur de 11% au sommet atteint avant la récession, et le ralentissement naissant freinera la hausse des ventes au cours des prochains mois et maintiendra celle-ci sous la barre des 10% en 2011, selon EDC. La faiblesse des marchés devrait être généralisée et devrait toucher les exportations de la plupart des secteurs d'activité. EDC estime que la croissance des exportations passera de 11% cette année à 6% à peine en 2011.
« Les exportateurs se ressentiront de la fermeté qui ne se dément pas du dollar canadien. La résilience des prix des produits de base et la politique monétaire relativement plus rigoureuse du Canada se conjuguent apparemment pour créer un «effet de halo» international - attribuable à la réputation de notre système financier, à la solidité relative de notre situation intérieure et à une gestion budgétaire enviée - grâce auquel le huard avoisinera 0,95 dollars américains », explique l’économiste en chef d’EDC.
Par conséquent, pour composer avec la morosité économique des prochains mois et la fermeté persistante du dollar canadien, les entrepreneurs devront faire preuve «d'ingéniosité et de détermination», d’après M. Hall. Le ralentissement de la croissance laisse prévoir une intensification de la concurrence, et les économies dominantes dont le marché intérieur est faible adoptent de nouvelles stratégies centrées sur les exportations afin de cibler les marchés où la demande est plus forte.
Plus : L’étude d’EDC
Plus : En route vers une déflation mondiale ?