ANALYSE DU RISQUE - La montée des inégalités représente non seulement un risque pour la cohésion sociale, mais aussi pour la croissance économique, car elle la réduit à long terme. Ce qui constitue une menace pour les investisseurs.
Oui, oui, vous avez bien lu: une réduction de la croissance économique à long terme. Et ce n'est pas Québec solidaire ou des néomarxistes qui font cette affirmation, mais plutôt l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui n'est pas vraiment le temple de la gauche.
L'adage veut qu'il faut créer de la richesse pour la distribuer. Eh bien, il semble qu'il faille plutôt redistribuer de la richesse pour en créer, faisait récemment remarquer Le Devoir.
Selon l'OCDE, l'accroissement du fossé entre les riches et les pauvres de 1985 à 2005 a retranché en moyenne 4,7 points de pourcentage de croissance cumulative entre 1990 et 2010 dans plusieurs pays industrialisés.
Pourquoi? Parce que la montée des inégalités fait en sorte que les ménages défavorisés peinent à faire accéder leurs enfants à une éducation de qualité. Ce qui se traduit par une perte importante de talents et une plus faible mobilité sociale.
Si le rapport de 300 pages de l'OCDE ne traite pas spécifiquement de l'impact sur les investisseurs, l'impact potentiel de l'accroissement des inégalités sur leurs placements à long terme est facile à comprendre.
Plus les entreprises sont rentables, plus elles sont en mesure de créer de la valeur pour les actionnaires. Or, il est plus difficile pour une entreprise de créer de la valeur quand la croissance économique ralentit.
C'est pourquoi toute la société à intérêt à réduire les inégalités, et ce, des moins nantis aux gouvernements en passant par les entreprises et les investisseurs.
Pourquoi il ne faut pas blâmer les riches
Dans une récente tribune dans le Wall Street Journal, l'investisseur Warren Buffet affirme que la montée des inégalités tient essentiellement au progrès technique, qui fait en sorte qu'il faut des gens de plus en plus qualifiés pour occuper plusieurs emplois.
Bref, aucun complot du grand capital n'est à l'origine de l'augmentation de l'écart de revenus entre les riches et les pauvres, explique Warren Buffet. «Les pauvres ne sont certainement pas pauvres parce que les riches sont riches», écrit-il.
En fait, les causes de l'accroissement des inégalités sont multiples, selon l'OCDE.
- la mondialisation a provoqué la délocalisation de millions d'emplois de la classe moyenne relativement bien payés des pays riches vers les économies émergentes comme la Chine ou l'Inde.
- la déréglementation financière a permis aux financiers de gagner des salaires de plus en plus astronomiques.
- les nouvelles technologies ont profité aux personnes les plus éduquées, la plupart du temps dans les sciences et en informatique.
- les besoins changeants de l'économie ont amené plusieurs entreprises à recourir davantage aux travailleurs à statut précaire.
À ces causes, il faut aussi ajouter le déclin des syndicats, qui a réduit le rapport de force des travailleurs vis-à-vis du patronat, selon une récente étude du Fonds monétaire international (FMI).
Et maintenant, comment réduire ces inégalités ?
Selon l'OCDE, il faut des politiques pour améliorer la place des femmes sur le marché du travail et des mesures pour renverser l'augmentation des emplois de mauvaise qualité.
La réduction des inégalités passe aussi par un meilleur accès à l'éducation et par une meilleure redistribution de la richesse, notamment par une fiscalité plus progressive, soulignent les spécialistes.
Toutes ces mesures favoriseraient la croissance économique, et réduiraient les risques des investisseurs à long terme.