Suivez ici le World Entrepreneurship Forum
SINGAPOUR. Bien plus qu’un produit, l’innovation. Modèle d’affaires, approche de gestion, définition de marché : le concept peut en fait s’appliquer à toutes les facettes d’une entreprise. Lors de la deuxième journée du World Entrepreneurship Forum, les participants ont pu entendre des exemples des plus inspirants.
D’abord le récipiendaire du prix de l’entrepreneur de l’année en 2010, Liu Chuan-Zhi. Dans l’assistance, les nombreux étudiants Chinois buvaient les paroles du fondateur du fabricant d’ordinateurs chinois Lenovo. L’homme d’affaires a expliqué comment Lenovo est parti de rien pour devenir le deuxième fabricant d’ordinateurs au monde, revenant du coup sur l’acquisition des activités PC d’IBM. Pour réaliser cette transaction en 2007, l’équipe de direction s’est posé des questions simples mais cruciales : « Pourquoi IBM veut vendre? Pourquoi ne sont-ils pas capables de ramener la profitabilité? Pourquoi serions-nous capables? Qu’allons-nous chercher? »
Quand les choses se sont mises à piquer du nez en 2008, M. Liu a repris un rôle plus actif dans l’entreprise. Encore là, son approche est claire et il résume simplement les causes du problème en deux points : la myopie des anciens dirigeants et la collision entre les deux cultures d’entreprise. Une fois les causes identifiées, il a pris les mesures nécessaires, soit des changements importants à l’équipe de direction. Il peut maintenant appliquer sa philosophie de gestion, qu’il résume ainsi : « Donnez aux dirigeants des cibles et laissez-les libres de les atteindre à leur façon. » Précisons quand même qu’il semble souhaiter voir le plan d’action avant que les dirigeants en questions passent aux actes.
Une dernière chose m’a frappée chez M. Liu. Cela n’a rien à voir avec l’innovation, mais je vous en fais part quand même puisqu’on parle du personnage. Un peu avant le Forum, j’ai rencontré des expatriés canadiens à Singapour. L’une d’elles m’a parlé de la trop grande modestie des Canadiens, de cette humilité qui leur nuit dans un continent où les gens verbalisent leurs succès. J’ai compris à quoi elle faisait référence en écoutant M. Liu. Sans pavoiser, il a dit simplement : « Nous nous sommes battus âprement avec Dell pendant trois ans. À la troisième année (en 2004), Lenovo a gagné. »
Après M. Liu, c’est une non-entrepreneure qui a démontré tout le pouvoir de l’innovation. Mairesse de Göterborg, Anneli Hulthén a présenté les différentes initiatives mises en place dans cette ville suédoise de 500 000 habitants pour favoriser l’entrepreneurship. Pour une ville de cette taille, elles sont nombreuses. J’aurai l’occasion de vous donner plus de détails prochainement, mais mentionnons tout de même un étonnant incubateur dédié aux entreprises liées à la musique, un processus d’accompagnement nommé Expedition Forward – une référence au fait qu’être entrepreneur est un parcours, un voyage d’expédition -, ainsi que des services d’aide en cas de crise.
« On essaie de faire en sorte que les idées viennent d’en bas, plutôt que d’en haut, et d’avoir les mains dans l’action plutôt que d’écrire de beaux documents », résume Mme Hulthén, qui a reçu le prix de Politicienne de l’année au gala de jeudi.
Quant à la récipiendaire du prix Jeune entrepreneure, la Philippine Reese Fernandez, c’est dès la définition du modèle d’affaires de Rags2Riches qu’elle a innové. Dans son pays, des femmes réutilisaient des bouts de tissu trouvés dans les dépotoirs pour en faire des tapis. Constatant que les coûts augmentaient pour ces couturières depuis que des intermédiaires étaient apparus, elle a décidé de bouleverser leur chaine d’approvisionnement. Plutôt que de venir du dépotoir, les bouts de tissu viennent maintenant directement d’ateliers commerciaux. Et plutôt que de tisser de simples tapis, les couturières réalisent plutôt des sacs et vêtements haut de gamme dessinés par des designers reconnus. Une femme des plus inspirantes, dont j’espère vous reparler dans les prochains jours.
Avant de céder le micro aux conférenciers invités, Jean-Luc Decornoy, pdg de KPMG France et cofondateur du Forum y était allé de la citation suivante : « L’entrepreneurship repose sur l’ambition de se projeter dans l’avenir et la confiance d’accomplir. » Lui Chuan-Zhi, Anneli Hulthen, Reese Fernandez et les autres conférenciers présents ont sans nul doute cette aspiration et cette confiance. Espérons qu’ils les auront transmises à quelques personnes dans la salle, question de voir émerger d’autres Lenovo et Rags2Riches.
LIRE AUSSI :
À bas l'isolation, vive la connectivité!