Tout porte à croire qu'une nouvelle donne politique favorable aux entreprises canadiennes émergera des élections américaines de mi-mandat, le 2 novembre.
Le sprint final s'amorce pour le contrôle du Congrès. Et selon le scénario le plus plausible, les Républicains devraient remporter la Chambre des représentants. Ils sont en avance dans les intentions de vote, mais la victoire ne leur est pas acquise.
Les Démocrates détiennent actuellement la majorité des sièges à la Chambre des représentants et au Sénat, mais leur position est menacée. Le marasme économique suscite la grogne chez les Américains, qui risquent de le faire payer chèrement au parti du président Barack Obama.
Les Démocrates conserveraient le contrôle du Sénat, mais ils seraient très affaiblis politiquement. Le parti serait forcé de diluer les projets de loi soumis au Congrès.
Un tel équilibrage des forces aurait un effet sur l'ouverture de l'économie américaine au commerce international et sur le pouvoir d'achat des Américains. Et, par conséquent, sur l'activité de nos entreprises aux États-Unis.
Moins de protectionnisme
Les Républicains sont traditionnellement en faveur du libre-échange. Après tout, ce sont deux administrations républicaines - celles de Ronald Reagan et de George Bush père - qui ont négocié l'Accord de libre-échange et l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).
On peut donc s'attendre à ce que le Congrès soit plus ouvert au commerce international. Dans son plan de relance économique, le président Obama avait appliqué la clause du Buy American aux infrastructures. Par conséquent, le fer et les équipements manufacturiers utilisés pour construire des ponts et des routes devaient être fabriqués aux États-Unis.
" Pour ne pas être exclus du marché, nous avons dû sous-traiter une partie importante de nos contrats par des sous-traitants américains ", dit Harold Roy, vice-président directeur général des Industries Fournier. Cette entreprise de Thetford Mines produit des pressoirs rotatifs pour le traitement des eaux usées des villes et de certaines industries.
Mais attention, les Républicains peuvent aussi être protectionnistes, dit Raymond Chrétien, ancien ambassadeur du Canada à Washington et maintenant avocat chez Fasken Martineau. " Au cours de son premier mandat, c'est le républicain George W. Bush qui avait imposé des taxes sur les importations d'acier ", rappelle-t-il.
Le niveau de protectionnisme dépend aussi des régions d'où sont originaires les membres du Congrès. Plus l'économie d'une région stagne, comme celle de l'Ohio, plus les élus sont protectionnistes pour défendre les emplois locaux. " Des Républicains peuvent donc aussi exiger des mesures protectionnistes", dit Carl Grenier, professeur de sciences politiques à l'Université Laval et membre de l'Observatoire des États-Unis à l'UQAM.
Par exemple, en 1983, l'administration Reagan avait imposé de nouveaux tarifs douaniers sur les importations de motocyclettes japonaises aux États-Unis.
Pouvoir d'achat accru
Les Républicains font depuis toujours des baisses d'impôt une religion. Puisque l'économie américaine peine à redémarrer, un Congrès en partie sous le contrôle des Républicains fera pression sur la Maison-Blanche pour qu'elle prolonge les baisses d'impôt décrétées par l'administration Bush en 2001 et en 2003, et qui expirent à la fin de l'année.
En septembre, Mike Pence, un influent représentant républicain de l'Indiana, disait que ce serait d'ailleurs la priorité de son parti s'il devenait majoritaire à la Chambre des représentants.
Même si ces baisses d'impôt ne touchent pas les entreprises, elles pourraient avoir un effet positif sur l'économie américaine en stimulant la consommation. Cela serait favorable aux exportateurs canadiens, juge Jean-Michel Laurin, vice-président des Manufacturiers et exportateurs du Canada. " Les consommateurs auraient un plus grand pouvoir d'achat, ce qui élargirait la taille du marché américain pour nos entreprises. "
Pas de bouleversement
Même s'ils sont les champions de la sécurité, les Républicains plus nombreux au Congrès ne devraient pas proposer de nouvelles mesures à la frontière alors que l'économie américaine bat de l'aile, avancent les spécialistes. " Je ne prévois aucun changement ", dit M. Chrétien.
Même son de cloche du côté de Christian Sivière, patron de Solutions Import Export Logistique. " Toutes les lois touchant la sécurité prennent du temps à être mises en place. Je ne prévois donc pas de bouleversement dans l'immédiat ", dit-il.
Beaucoup d'entreprises américaines fonctionnent en juste-à-temps avec des fabricants canadiens. Les Républicains ne voudront pas bouleverser cette machine réglée au quart de tour.
" L'imposition de mesures à la frontière a une incidence directe sur la création d'emplois et la croissance économique aux États-Unis, mais les politiciens n'en sont pas toujours conscients ", dit M. Laurin. Les Républicains changeraient toutefois leur fusil d'épaule si un nouvel attentat terroriste était perpétré aux États-Unis. " La sécurité l'emporterait alors sur le commerce ", souligne Carl Grenier.