ANALYSE - Diversification des marchés. Cette expression est sur toutes lèvres des analystes et des élus lorsqu'ils parlent de la concentration excessive des exportations du Québec aux États-Unis. Un appel à la diversification qui est justifié. Mais qui ne devrait pas nous faire oublier que le marché américain restera toujours un formidable débouché pour les entreprises québécoises.
Cette semaine encore, l'ex-délégué du Québec à New York, John Parisella, a réitéré ce point lors d'une table ronde sur les enjeux économiques internationaux, organisée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Un forum au cours duquel d'autres conférenciers ont souligné tout le potentiel - avec raison - de la Chine, de l'Amérique latine (incluant le Mexique) et de l'Union européenne.
Oui, la Chine deviendra un formidable marché de consommateurs. Oui, l'Amérique latine est en ébullition, en particulier le Mexique. Oui, le prochain accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne ouvrira des portes à nos entreprises. C'est sans parler de l'Afrique, dont la population pourrait doubler d'ici le milieu du siècle, pour atteindre environ 2 milliards d'habitants, selon l'ONU.
Dans ce contexte, le marché américain - où le Québec expédie 68% de ses exportations internationales de marchandises - n'est plus vraiment la «saveur du mois», pour reprendre l'expression consacrée. Mauvaise perception s'il en est une.
Voici quelques statistiques pour illustrer à quel point cette tendance à vouloir tourner le dos aux États-Unis pourrait priver nos entreprises d'importantes occasions d'affaires dans les années à venir, voire décennies.
Cinq secteurs clés aux États-Unis
Malgré une reprise économique faible, le marché américain demeure un endroit où plusieurs secteurs connaîtront une forte croissance. Cinq seront particulièrement dynamiques d'ici 2020, souligne une récente étude de la firme-conseil McKinsey & Co, dont fait état Les Affaires cette semaine.
Il s'agit des secteurs des hydrocarbures (pétrole et gaz de schiste), du traitement des mégadonnées, des infrastructures, de l'éducation et la formation du personnel, de même que les exportations à haute valeur ajoutée (avions, automobiles, équipements médicaux, etc.). Dans ce dernier secteur, intégrer les chaînes logistiques des exportateurs américains peut être une stratégie gagnante.
Les perspectives à plus long terme sont aussi intéressantes, soulignent certains analystes. Il faut d'abord prêter un peu moins l'oreille au discours sur le fameux déclin américain.
Oui, les États-Unis sont en déclin, mais il s'agit d'un déclin relatif. Le poids du pays dans l'économie mondiale (22% en 2012, selon le FMI) diminuera en raison de la croissance très rapide des pays émergents, comme la Chine et l'Inde. Mais la taille de l'économie américaine, elle, continuera de croître.
Non seulement parce que les États-Unis abritent l'une des économies les plus dynamiques au monde, mais aussi parce que la population du pays continuera d'augmenter à un rythme très rapide.
146 millions plus d'Américains en 2100
En 2012, les États-Unis comptaient 314 millions d'habitants, selon le U.S Census Bureau. Mais de 2013 à 2100, la population devrait augmenter de 46%, selon les estimations de l'ONU. Ce qui représente 146 millions nouveaux habitants. C'est un peu plus de deux fois la population actuelle de la France.
À titre de comparaison, la population mondiale sur la même période devrait progresser de 10%. Quant à celle de l'Europe (incluant les pays non membres de l'actuelle UE), elle devrait chuter de 14% d'ici 2100, selon les prévisionnistes de l'ONU.
La population chinoise diminuera aussi. Ce qui n'empêchera toutefois pas l'Empire du Milieu de devenir la première économie mondiale dans les prochaines décennies. Malgré tout, les États-Unis resteront le deuxième économie mondiale, du moins dans un avenir prévisible.
En 2050, la troisième économie mondiale sera l'Inde, selon la banque britannique HSBC, dans son rapport The World in 2050. À ce moment-là, sa taille sera toutefois près du tiers seulement de celle des États-Unis.
Compte tenu de la petite taille du marché québécois (et du reste, du marché canadien), la plupart des entreprises du Québec ont besoin d'exporter pour accroître leurs revenus. Il va sans dire qu'aucune entreprise ou presque ne peut ignorer le marché chinois ni les autres pays émergents, comme le Brésil, l'Indonésie et le continent africain.
Mais se diversifier en tournant le dos aux États-Unis n'est peut-être pas la meilleure stratégie. Ce marché est riche, en plus d'être collé sur le Québec. La culture d'affaires et la réglementation chez nos voisins américains sont similaires aux nôtres. Il faut aussi garder en tête que la langue n'est pas vraiment une barrière aux États-Unis comme elle peut l'être en Chine, par exemple.