Trafic monstre, inefficacité du port de Long Beach, croissance démographique fulgurante : la métropole de la Californie doit se doter rapidement de nouvelles infrastructures de transport pour ne pas étouffer son économie et polluer à outrance son environnement. Et le transport public sera au coeur de cette stratégie.
" Nous payons le prix pour avoir trop misé sur le transport aérien et l'automobile depuis les années 1970 ", déplore Kevin Klowden, spécialiste en transport public au Milken Institute, un think tank de Santa Monica. Cette situation n'est pas unique à Los Angeles. En fait, c'est toute la Californie qui doit mettre l'épaule à la roue pour bâtir de nouvelles infrastructures de transport en commun.
Et le temps presse, disent les spécialistes. " La population de la Californie, actuellement de 37 millions d'habitants, pourrait atteindre les 60 millions d'ici 2060 ", souligne Ron Diridon, directeur exécutif du Mineta Transportation Institute, un organisme public de San Jose, dans Silicon Valley.
Cibler les petits contrats
Les besoins seront énormes : trains interurbains, lignes de métro, sans parler d'un train à grande vitesse (plus de 320 kilomètres/heure), qui reliera San Diego à San Francisco en 2 h 30 - il faut environ 8 h en automobile. Les donneurs d'ordre seront les villes et le California High-Speed Rail Authority, le maître d'oeuvre du TGV californien.
Des milliers d'entreprises seront sollicitées. Toutefois, les manufacturiers et les fournisseurs devront ajuster leur stratégie en fonction du Buy America Act - à ne pas confondre avec le Buy American Act, qui concerne les achats du gouvernement américain.
Le Buy America s'applique aux achats relatifs aux transports publics évalués à plus de 100 000 $ US, pour lesquels le financement comprend des subventions du gouvernement fédéral des États-Unis.
Ainsi, quand les achats d'une société de transport public - par exemple, le Bay Area Rapid Transit (BART) dans la région de San Francisco - sont supérieurs à ce seuil, 60 % du contenu du projet doit venir des États-Unis, tandis que l'assemblage final, lui, doit être complètement fait en sol américain.
En deçà de ce seuil, les PME étrangères peuvent vendre sans problème leurs produits aux sociétés de transport.
Alliez-vous à des PME américaines
Pour profiter des contrats importants assujettis au Buy America Act, pas de panique : il existe des stratégies pour s'en sortir. " Des entreprises d'ici peuvent s'associer à des fournisseurs américains pour vendre leur matériel de transport aux États-Unis ", dit Denis Robillard, pdg de l'Association des manufacturiers d'équipements de transport et de véhicules spéciaux (AMETVS).
Aux États-Unis, 23 % des marchés publics fédéraux - y compris le transport public - sont réservés à des PME américaines, souvent dirigés par des minorités visibles, des personnes handicapées ou des femmes. En s'associant à ces PME, une entreprise étrangère peut atténuer les conséquences du Buy America. Cela dit, un fournisseur de matériels de transport a beaucoup plus de chances de décrocher un contrat s'il a une usine en sol américain, et pas nécessairement en Californie : le Buy America ne s'applique plus, puisque le fournisseur fabrique et, surtout, crée des emplois aux États-Unis.
Ouvrez une usine aux États-Unis
C'est la stratégie de l'entreprise montréalaise Stella-Jones, un fabricant de traverses et de poteaux pour l'industrie ferroviaire, dont les usines se trouvent au Québec et aux États-Unis. " En matière de transport public, ce sont nos usines américaines qui soumissionnent ", dit le pdg Brian McMannus.
S'implanter aux États-Unis, c'est aussi ce que fera Baultar, une entreprise de Windsor, dans les Cantons-de-l'Est, qui fabrique des planchers, des sièges, des accessoires et du matériel de transport.
" Nous voulons être mieux positionnés pour les projets de trains à grande vitesse en Californie et ailleurs aux États-Unis ", dit Léonard Woolgar, directeur de la mise en marché.
Car, si les contrats actuels exigent 60 % de contenus américains, ceux relatifs au train à grande vitesse - un projet de 43 milliards de dollars américains qui sera en service en 2020 - exigeront 100 % de contenus américains.
Tous les fournisseurs devront-ils absolument être basés aux États-Unis ? " C'est ce que nous comprenons ", répond Pierre Gauthier, pdg du constructeur de trains Alstom Canada.
La multinationale française a des usines aux États-Unis, et elle compte soumissionner sur les premiers appels d'offre en 2012 pour le TGV californien. Bomdardier Transport, qui possède des usines aux États-Unis, sera aussi sur la ligne de départ.
Le train à grande vitesse sera réalisé en partenariat public-privé, un cas unique vu la taille du projet. Engagé dans le dossier, Don Diridon, du Mineta Transportation Institute, estime d'ailleurs que cela forcera les fournisseurs à collaborer : " Il va falloir des consortiums pour faire des soumissions. " Et si Bombardier et Alstom s'alliaient de nouveau, comme pour le métro de Montréal... À suivre.