4 de 6 - La série américaine
Effondrement de ponts dans l’État de Washington, explosion des digues à la Nouvelle-Orléans en 2005, black-out dans le nord-est du pays en 2003... Les infrastructures aux États-Unis sont dans un piteux état, selon diverses études. Pour les remettre à niveau, le gouvernement devra investir de 150 à 160 milliards de dollars américains par année. Une manne pour les entreprises étrangères, mais une manne difficile à saisir en raison du protectionnisme.
La construction et la réfection des infrastructures font partie des secteurs qui stimuleront le plus la croissance économique aux États-Unis d’ici 2020, selon une récente étude de McKinsey (Game changers: Five opportunities for US growth and renewal). Si ces investissements se concrétisent, ils pourraient créer de 1,5 à 1,8 million d’emplois. Ces investissements représentent environ 1 % du PIB américain.
Pas moins de 73 % des nouveaux besoins à combler en matière d’infrastructures concerneront les transports, selon l’American Society of Civil Engineers et le US Department of transportation. Des projets qui vont des routes aux ponts, des trains légers de banlieue (ou tramway) aux chemin de fer, en passant par les aéroports et les installations portuaires. Bref, les États-Unis ressembleront à un vaste chantier au cours des prochaines années.
Ce marché est bien entendu ouvert aux entreprises étrangères, mais à plusieurs conditions, précise toutefois Martin Lavoie, directeur des politiques chez les Manufacturiers et exportateurs du Canada. « Il y a beaucoup d’occasions d’affaires, mais les défis sont importants pour en profiter en raison des clauses du Buy American et du Buy America », dit-il.
Le Buy American et le Buy America
Le Buy American est cette fameuse clause que l’administration Obama a introduite dans son premier plan de relance de 820 milliards de dollars américains, en 2009. Selon cette loi, les articles, les matériaux et les fournitures achetés par le gouvernement fédéral doivent être produits aux États-Unis. Les produits manufacturés doivent aussi être fabriqués dans le pays à partir de composants locaux.
Pour sa part, le Buy America s’applique uniquement aux achats liés aux transports publics évalués à plus de 100 000 $ US par les États et les agences publiques de transport, comme la STM à Montréal. À partir de ce seuil, 60 % du contenu du projet doit venir des États-Unis, tandis que l’assemblage final, lui, doit être complètement effectué en sol américain. En revanche, les autorités exigent 100 % de contenu américain pour les projets de TGV, comme en Californie en ce moment.
Comment respecter les exigences de contenu américain
Comment respecter les exigences de contenu américain
Ces deux clauses ont un impact majeur sur les entreprises étrangères qui veulent soumissionner sur des contrats publics dans le secteur des infrastructures aux États-Unis.
C’est pourquoi, par exemple, les manufacturiers de matériel roulant comme l’allemande Siemens, la canadienne Bombardier Transport et la française Alstom exploitent des usines aux États-Unis. Ils peuvent ainsi atteindre plus facilement les exigences de contenus américains que s’ils exportaient uniquement leur matériel à partir du Canada ou de l’Europe.
« Que ce soit pour les métros ou les trains légers, il ne fait pas de doute qu’être là, physiquement, est un prérequis pour répondre à un appel d’offres », explique Pierre Gauthier, pdg d’Alstom Canada. Dans sa seule division transport, la multinationale française exploite six établissements (usines et centres de services et de soutien technique) aux États-Unis.
Malgré le seuil minimal de 60% de contenu américain imposé dans les transports publics, les usines d’Alstom au Canada peuvent aussi participer à des appels d’offres aux États-Unis, précise Pierre Gauthier. « On le fait à partir de notre centre d’excellence de Sorel, en fournissant des systèmes comme des logiciels. » Dans un contrat aux États-Unis, ces systèmes font partie du 40 % de contenu d’un projet qui n’est pas assujetti au Buy America.
Une bonne nouvelle pour les fournisseurs canadiens des Alstom de ce monde, qui peuvent donc participer à certains contrats aux États-Unis, à partir de leur usine au Canada. Mais dans d’autres segments de marché, ce n’est plus possible, comme pour les projets de trains rapides de type TGV. Car les autorités américaines exigent que 100 % du projet – incluant les composants et les systèmes – soit conçu et assemblé aux États-Unis.
C’est pourquoi le constructeur de TGV Siemens a agrandi son usine de Sacramento, en Californie. Un investissement uniquement réalisé afin de se positionner par rapport au projet de train rapide (California High Speed Rail) qui doit relier à terme San Diego à San Francisco. Si Siemens est retenue pour ce projet, tous ses fournisseurs devront être établis aux États-Unis, et ce, même si ce sont des entreprises étrangères.