C'est la plus grande usine du monde. Elle fourmille d'ingénieurs, de techniciens et de mécaniens. On y sert 10 000 repas par jour, et elle possède même son propre service de police et de santé ! Et pour cause : Boeing y fabrique plusieurs modèles d'avions gros porteurs, dont le fameux 787 Dreamliner, qui arrivera sur le marché en 2011.
Située à une trentaine de minutes au nord de Seattle, l'usine de Boeing est le coeur de la grappe aérospatiale de l'État de Washington. Une foule d'entreprises sont déjà présentes dans la région pour conclure des affaires avec l'avionneur. Toutefois, Boeing n'achète presque plus directement auprès des milliers de fournisseurs qui frappent à sa porte. Il passe plutôt par des donneurs d'ordres privilégiés comme Zodiac Aerospace ou General Electric (des Tiers One, comme on dit dans le jargon) pour combler ses besoins.
" Un fournisseur ne décroche pas un contrat avec Boeing; il le fait avec un Tiers One de Boeing ", indique Troy DeFrank, gestionnaire en développement des affaires au département du Commerce de l'État de Washington.
Parmi ces Tiers One, on compte une entreprise comme Esterline Technologies, un fabricant de composants qui exploite une usine à Everett.
Pour le Dreamliner, Esterline fournit entre autres les panneaux de contrôle de la cabine de pilotage. Bien entendu, ce type de contrat est alléchant pour un petit Tiers One comme Esterline, mais c'est aussi coûteux et exigeant. " Nous devons répondre exactement aux besoins de nos clients, en plus d'investir beaucoup d'argent, explique Brad Lawrence, le patron d'Esterline, en entrevue à ses bureaux de Bellevue, près de Seattle. Aucun avionneur comme Boeing ou Airbus ne peut développer un avion par lui-même. "
Dans ce contexte, il y a beaucoup d'occasions d'affaires pour les entreprises de l'aérospatiale du Québec. Toutefois, les Tiers One ne prennent pas les premiers venus : ils veulent un nombre restreint de fournisseurs intégrés.
" Les Tiers One veulent des fournisseurs qui leur proposent des systèmes entiers. Ils ne souhaitent plus acheter des composants à la pièce ", précise Brad Lawrence.
Recherchées : technologies pour améliorer l'efficacité
Trop compliqué ? Boeing et ses Tiers One ne sont pas les seules entreprises de la région que les fournisseurs québécois peuvent cibler. La grappe aérospatiale compte 650 sociétés, dont la plupart ne sont pas des fournisseurs privilégiés.
La société d'ingénierie Global Aerosystems, par exemple, compte parmi ses clients Bombardier et Boeing. Elle travaille sur le Dreamliner, où elle est responsable de la section liant les ailes au fuselage. Pour l'entreprise, le nerf de la guerre, ce sont les alliances avec les firmes d'ingénierie novatrices. " Nous voulons les meilleures ressources en Amérique du Nord ", dit le président Chuck Rhoden.
De son côté, Electroimpact, une PME de Mukilteo, non loin d'Everett, travaille surtout pour Airbus. Avis aux fournisseurs québécois : elle a besoin de pièces et de machinerie.
" Nous achetons des systèmes de contrôle ou de roulements à billes ", explique Benjamin D. Hempstead, en nous faisant visiter l'usine qui fabrique les machines automatisées qui percent les trous nécessaires à l'assemblage des ailes des avions.
La situation est semblable du côté de Giddens Industries, un manufacturier de composants et d'assemblage. " On achète de tout ", lance John Seguin, vice-président aux ventes et au marketing. Par exemple, l'entreprise d'Everett doit acheter de l'aluminium pour usiner ses composants destinés à des clients comme Spirits Aerosystems, un fournisseur de parties pour les avions, dont le fuselage et les ailes. Elle fournit aussi des composants à Boeing.
Seattle-Montréal: concurrents et partenaires
Les entreprises en aérospatiale québécoises devront faire face à des concurrents locaux parfois hostiles dans l'État de Washington.
" C'est clair qu'il y a de la concurrence entre nos deux grappes; il y en a même entre nos entreprises ", dit Kevin Steck, président du conseil d'administration du Pacific Northwest Aerospace Alliance, l'association qui représente l'industrie.
" Mais dans certains projets, nous pouvons travailler ensemble ", ajoute-t-il, en précisant que beaucoup d'entreprises de Montréal et de Seattle ont des relations d'affaires.
Kevin Steck sait de quoi il parle : il est vice-président, développement des affaires, de Composites Atlantique, propriété de EADS (European Aeronautic Defence and Space Company) qui a des bureaux à Seattle, en Nouvelle-Écosse et à... Mirabel.
De la même façon, Esterline possède CMC Électronique, un fournisseur d'équipements de Montréal qui a décroché, le 6 octobre, un important contrat avec Boeing.
LA GRAPPE AÉROSPATIALE, C'EST...
> L'État de Washington, au coeur de la plus grande grappe aérospatiale du monde
> 650 entreprises
> 17 % de tous les travailleurs de l'industrie aérospatiale aux États-Unis
> 6 550 ingénieurs
> 30 000 travailleurs manufacturiers
Un joueur mondial
En 2009, l'État de Washington représentait près de 32 % des exportations totales de produits en aérospatiale des États-Unis.
Les exportations aérospatiales ont totalisé 26,3 milliards de dollars américains en 2009. Les fournisseurs locaux réalisent des contrats pour des avionneurs comme Airbus, Bombardier, Dassault et Northrop Grumman.
Source : Département du Commerce de l'État de Washington.
Notre dossier sur lesaffaires.com
Pour en savoir plus lesaffaires.com/monde/etats-unis
> Photo reportage sur l'aérospatiale;
> Entrevue : Kevin Steck, du Pacific Northwest Aerospace Alliance, discute des enjeux de son industrie;
> Sites Web utiles aux entreprises d'ici.