La disparition inexpliquée de la vie publique du vice-président chinois Xi Jinping, appelé à diriger le pays dans quelques semaines, suscitait mardi en Chine d'intenses spéculations, les experts jugeant l'hypothèse d'un problème de santé la plus crédible.
Le ministère chinois des Affaires étrangères refuse obstinément d'expliquer pourquoi M. Xi a annulé quatre rencontres depuis mercredi, dont une avec la chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, la semaine dernière et une autre avec le Premier ministre danois lundi.
Questionné sur le sujet, le porte-parole du ministère, Hong Lei, s'est contenté d'inviter les journalistes à poser des "questions sérieuses".
L'absence de raison officielle à ces annulations répétées alimente les rumeurs sur internet et dans les médias étrangers, les experts jugeant que l'explication la plus probable est un problème de santé de l'homme, âgé de 59 ans, qui doit remplacer Hu Jintao à la tête du Parti communiste cet automne.
"L'affaire est probablement plus ennuyeuse que dramatique, mais elle est dramatisée à cause du manque de transparence" du régime, estime Scott Kennedy, directeur du centre de recherches sur la Chine de l'université de l'Indiana, basé à Pékin.
Si un évènement plus grave remettait en question la succession politique, les autres dirigeants auraient également suspendu leurs apparitions publiques, ce qui n'est pas le cas, fait remarquer cet expert.
L'absence de Xi Jinping reste néanmoins mystérieuse. Des responsables chinois et danois ont nié qu'il devait avoir une entrevue avec la chef du gouvernement du Danemark, alors que la rencontre était inscrite à l'agenda officiel.
"Je pense que c'était un malentendu. Il n'a jamais été prévu à mon programme", a assuré à l'AFP le Premier ministre Helle Thorning-Schmidt à Tianjin (nord), où elle s'est rendue pour le Forum économique mondial qui s'ouvre mardi dans cette ville.
Xi a été vu pour la dernière fois en public le 1er septembre à l'occasion d'un discours de rentrée à l'École centrale du Parti à Pékin.
Les autorités cherchent à empêcher tout échange sur l'absence du haut dirigeant. La réception de la chaîne BBC a été brièvement interrompue après avoir mentionné le sujet, et les recherches comme "XJP" ou "mal de dos" bloquées sur Weibo, le principal service de micro-blogging chinois.
Aussi les internautes chinois doivent-ils avoir recours à des stratagèmes pour parler de leur vice-président, comme d'utiliser le mot "prince héritier" ou le pronom anglais "she" dont la prononciation ressemble à "Xi" en chinois.
Selon Willy Lam, politologue à la Chinese University de Hong Kong, Xi Jinping se serait blessé en faisant du sport, assez sérieusement pour être hospitalisé, mais sans plus. Selon lui, "il est convalescent, mais ils préfèrent ne pas le montrer en public".
La santé des dirigeants est toujours considérée en Chine comme "un secret jalousement gardé", rappelle-t-il.
Même avis pour M. Kennedy: "Cela pourrait bien être un problème de santé. Mais si c'était une question de vie ou de mort je ne pense pas que les autres dirigeants vaqueraient à leurs occupations habituelles", estime-t-il.
"Il n'est jamais arrivé, au moins depuis la Révolution culturelle (1966-76), qu'un dirigeant de premier plan disparaisse de la circulation à un mois d'un congrès du Parti", relève encore M. Lam.
L'absence de Xi Jinping montre en tous cas que le Parti fait fi de ses promesses de transparence, ajoute cet expert.
Au bout du compte, M. Kennedy juge probable que Xi Jinping réapparaisse bientôt sans la moindre explication, comme si rien ne s'était passé.
"Nous verrons bientôt une photo de Xi recevant quelqu'un, visitant une usine ou un hôpital, ou quelque chose du genre. Je pense que c'est ce qu'ils feront, plutôt que de dire quoi que ce soit".