Pittsburg revient de loin. Ancien haut lieu de l’industrie du charbon et de l’acier, cette ville industrielle autrefois parmi les plus salles et polluées du nord des États-Unis, se présente aujourd’hui comme un nouveau modèle de développement durable.
Pas mal pour une ville, dont le romancier britannique Charles Dickens a déjà décrite comme «l’enfer à ciel ouvert». Une réputation que méritait pleinement la région si l’on se fie aux souvenirs de ses résidants pas peu fiers de la transformation que connaît la ville depuis quelques temps.
C’est que victime de son succès économique, la fumée des usines y étaient si dense que jusqu’au milieu des années 60, la suie que crachaient les cheminées des usines forçait la ville à garder les lampadaires allumés en plein jours, et les hommes, à changer leurs cols de chemise jusqu’à trois fois par jour, se souvient Phil Theodore-Vaux, un natif de la région.
PLUS : Gaz de schiste : pendant que le Québec réfléchit, la Pennsylvanie agit
Mais avec la récession des années 1970 et la concurrence des pays à plus faible coût de main-d’œuvre, la plupart des aciéries ont fermé ou plié bagage. Par effet de domino, toute l’activité économique régionale s’en est ressentie, et bien d’autres mines et usines fermèrent également leurs portes, entraînant avec ellez, argent, travails et… familles.
Tant et si bien que de 676 800 habitants en 1950, la population de Pittsburgh a chuté de moitié jusqu’en 2000, pour atteindre 334 563 habitants. La chute se poursuit depuis à un rythme de 1% par année; au dernier recencement, en 2007, Pittsburgh ne comptait plus que 311 000 habitants.
«Help wanted»
Mais les choses semblent changer. Au point où au lieu d’assister, impuissante, à la fermeture d’entreprises, Pittsburgh remarque leur retour. Depuis cinq ans, le Pittsburgh Regional Alliance a dénombré 184 projets d’agrandissement ou de localisation dans la région. Ces projets ont entraîné des investissements en capital de 2 611G$US et le maintien ou la création de 37 493 emplois.
Tellement que la région se retrouve aujourd’hui avec un beau problème entre les bras: une pénurie de main-d’œuvre, chose rarissime dans cette Amérique de 2010, toujours sous le choc d’une récession pourtant officiellement terminée.
En plus de tout le développement de l’industrie des gaz de schiste, qui promet la création de quelque 200 000 emplois dans la région d’ici dix ans, la région profite du développement encore récent de différentes grappes industrielles, dans le domaine de la santé, de la recherche, des technologies de l’information (TI), ou des services financiers.
«En ce moment même, nous avons 22 000 emplois, de très bons emplois par-dessus le marché, à offrir à quiconque est intéressé à rester où déménager dans la région», clâme à qui veut l’entendre, Sarah Fisher, vice-présidente principale du Allegheny Conference on Community Development.
Des emplois à revendre
Née du regroupement en 2007 de Bank of New York et Mellon Financial, BNY Mellon a créé 13 000 emplois dans la région depuis trois ans.
Vantant les avantages d’un faible taux de roulement du personnel et d’un coût de la vie plus bas que dans la majorité des villes de taille similaires ou supérieures, Vince Sands, vice-président principal de BNY Mellon, est actuellement à la recherche de 300 professionnels désireux de faire carrière dans la finance.
Jim Ice, de Westinghouse Electric, estime pour sa part qu’il serait en mesure d’embaucher quelque 5000 travailleurs en trois ans, des ingénieurs pour la plupart, dont la moitié seraient liés à l’énergie nucléaire. «L’âge moyen de nos employés tourne autour de la cinquantaine. Il nous faut rapidement dénicher une relève, y compris et en particulier à notre siège social de Pittsburgh», insiste M. Ice.
Même problème dans le secteur de la santé. L’UPMC, associé de l’University of Pittsburgh Medical Center. Avec quelque 50 000 employés dans la région, l’entreprise est le deuxième plus grand employeur en Pennsylvanie après Wal-Mart.
PLUS : Gaz de schiste : pendant que le Québec réfléchit, la Pennsylvanie agit
Bien que plus de 20% du personnel de UPMC sont des infirmiers, les emplois offerts touchent tous les secteurs d’activité, de l’informatique à la finance, en passant par le marketing, insiste Mark Simon, directeur des ressources humaines de l’une des plus importantes entreprises de services de santé aux Etats-Unis.
Les choses changent vite
«Les choses changent rapidement dans la région», explique M. Simon qui se souvient du cul-de-sac qu’offrait la ville à ses diplômés il y a encore dix ans. À l’époque, dit-il, les diplômés des universités de l’endroit se tournaient presque automatiquement vers d’autres villes (Atlanta, New York, Washington D.C.) pour entamer leur carrière. «Ce n’est plus le cas aujourd’hui».
Chose que confirme la direction d’American Eagle, qui a choisi récemment de déménager le siège social mondial de cette entreprise montante au centre-ville de Pittsburgh, en lieu et place où jadis, des usines de charbon et d’acier produisaient à plein régime.
«Le smog n’est plus, les trois rivières qui traversent le centre-ville sont redevenus des cours d’eau où l’on pêche et fait du kayak… Bref, ce n’est plus la peine de casser un bras à personne pour l’inviter à s’installer dans la région», soutient Tom Didonato, vice-president principal, ressources humaines d'American Eagle.
C’est aussi dans cette ancienne zone industrielle que Carnegie Mellon University a choisi d’établir son Entertainment Technology Center, un autre exemple du pouvoir d’attraction nouveau de Pittsburgh. Cette école unique en son genre compte145 étudiants, de 28 pays, prêts à défrayer 40 000$US pendant deux ans pour percer les industries du cinéma et des jeux vidéo.
Des occasions uniques
Plusieurs de ses anciens diplômés font carrière à Los Angeles ou dans la Silicon Valley. Mais de plus en plus décident de rester et créer à Pittsburgh ce qui semble de plus en plus comme un grappe d’importance dans le secteur des jeux vidéo et des effets spéciaux.
C’est le cas par exemple de Schell Games, fondée il y a huit ans seulement, qui travaille de près avec des clients comme Disney et Microsoft, entre autres. L’entreprise compte aujourd’hui 250 employés, les trois quarts issus de l’ETC, confirme Jake Witherell, un diplômé devenu chef de l’exploitation de Schell Games.
D’autres jeunes pouces, comme Electric Owl Studios, et Yinzcam, deux jeunes pouces du secteur des Technologie de l’information participe à cette renaissance de Pittsburgh. Elles se sont vu offrir la chance de participer aux effets spéciaux, numériques et web qui entourent l’ouverture du nouvel amphithéâtre des Penguins de Pittsburgh.
«C’est le genre d’occasion fantastique qu’une ville dynamique et de taille encore humaine comme Pittsburgh est en mesure d’offrir à ses entrepreneurs, se réjouit Jonathan Kersting du Pittsburgh Technology Council. L’impossible ailleurs est souvent ici de l’ordre du possible.»
PLUS : Gaz de schiste : pendant que le Québec réfléchit, la Pennsylvanie agit