À long terme, le moindre changement apporté à votre plan financier peut grandement améliorer les choses. Les Affaires a recueilli les conseils de quatre experts afin de vous aider à planifier tout en restant réaliste.
Assis devant son ordinateur, Daniel Laverdière, directeur principal, planification financière et conseil à la Banque Nationale Gestion privée 1859, montre les conséquences de changements apportés à un plan de retraite. Dans le logiciel de calcul que son équipe utilise, il crée le profil fictif d'un épargnant de 50 ans qui n'a pas épargné suffisamment en vue de la retraite. Il met un rendement légèrement plus élevé ici, augmente l'épargne là et retarde le départ à la retraite. Et voilà ! On vient de gagner plusieurs années avant l'épuisement du capital.
Remanier votre plan financier pour atteindre vos objectifs semble facile, mais le scénario est-il réaliste ? C'est la question que vous devez vous poser lorsque vous ou votre conseiller faites votre plan de match. Gardez en tête que les excès d'optimisme peuvent cacher de mauvaises surprises, prévient M. Laverdière. «Lorsqu'on planifie, il faut envisager plus d'un scénario, ajoute le planificateur financier et actuaire. Il en faut un qui soit pessimiste. Un épargnant acceptera toujours les conclusions d'un scénario plus optimiste, mais il doit se préparer aux imprévus.»
En affichant des couples de retraités tout sourire voyageant dans des contrées exotiques, les publicités présentent la planification de la retraite comme le moyen d'atteindre ses rêves les plus fous. Les quatre planificateurs interrogés par Les Affaires présentent une vision moins rose. Tous s'entendent pour dire qu'il faut injecter une dose de réalisme à nos aspirations.
«Abandonnez vos illusions», tranche Hélène Gagné, qui cite le titre du deuxième chapitre de son livre Votre retraite crie au secours. «En même temps que l'espérance de vie s'accroît, les employeurs offrent de moins en moins de régimes de retraite traditionnels, constate la gestionnaire de portefeuille et planificatrice financière chez Gestion privée Peak. De plus en plus, les individus sont responsables de planifier leur retraite, ce qui exerce une pression sur les finances personnelles.»
Prévoyez la durée de votre retraite
Deux questions sont essentielles à la rédaction d'un plan : «à partir de quel âge pigerez-vous dans vos économies ?» et «jusqu'à quand pourrez-vous compter sur votre épargne ?».
Les gens vivent plus longtemps qu'autrefois, mais ils n'ont pas ajusté leur conception de la retraite. Le report de la fin de la vie professionnelle est peut-être la décision qui vous permettra de vous offrir une retraite confortable. «Il y a 20 ans, commencer à travailler à 25 ans, prendre sa retraite à 55 ans et décéder à 75 ans était un scénario réaliste, affirme Mme Gagné. Ce ne l'est plus. La réalité, c'est que vous devrez peut-être travailler plus longtemps.»
De nos jours, être nonagénaire n'est plus réservé aux forces de la nature. L'expression est morbide, mais vous devrez connaître votre «risque de survie». Au Québec, la moitié des hommes de 40 ans dépasseront l'âge de 83 ans. Pour les femmes du même âge, la moitié survivront au-delà de 89 ans.
L'Institut québécois de planification financière (IQPF) estime «prudent» d'établir un plan selon un risque de survie de 25 %. Autrement dit, établissez votre plan en fonction du fait que vous ferez partie du quart des gens de votre âge qui vivront le plus longtemps.Ainsi, un homme de 40 ans doit prévoir survivre à son capital jusqu'à 90 ans au moins et une femme du même âge, jusqu'à 94 ans. S'ils prennent tous les deux leur retraite à 65 ans, ils ont 25 % de chances d'être à la retraite au moins 25 ans et 29 ans, respectivement. Pour connaître votre risque de survie, consultez le tableau ci-haut.
Les jeunes professionnels devraient se préparer à prendre une retraite vers 67 ans, croit Jocelyne Houle-LeSarge, présidente de l'IQPF et de l'organisme Question Retraite. Ottawa a d'ailleurs annoncé en 2012 que l'âge du versement de la pension de vieillesse allait passer progressivement de 65 ans à 67 ans, de 2023 à 2029. «À 30 ans, ça peut sembler tard de prendre sa retraite à 67 ans, mais il vous restera encore beaucoup d'années à la retraite», dit Mme Houle-LeSarge.
Évaluez votre capacité d'épargne et vos besoins
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Évaluez votre capacité d'épargne et vos besoins
Pour bien planifier votre avenir financier, vous devez bien connaître le présent. Suivre ses dépenses et établir un bilan de ses actifs financiers est la première étape de la planification de la retraite, selon Mme Gagné. Avec ces informations en main, vous connaîtrez le chemin à parcourir et estimerez mieux les dépenses futures que vous ferez une fois à la retraite.
Traditionnellement, on recommande aux épargnants de prévoir des revenus de retraite équivalant à 70 % de leurs revenus bruts. L'idée est que vous aurez des dépenses moins élevées à la retraite si vous payez moins d'impôt, avez remboursé votre hypothèque et ne faites plus de dépenses liées au travail. Cette règle n'est cependant pas universelle. Vous ne pourrez pas passer à côté d'une évaluation plus approfondie de vos besoins, selon nos experts.
Daniel Laverdière invite à la prudence lorsqu'on «joue» avec les dépenses futures. «Pour prévoir une diminution des dépenses à la retraite, il faut avoir de vraies bonnes raisons, insiste-t-il. La fin du remboursement de l'hypothèque ou du paiement des études des enfants est une bonne raison. Mais viser simplement réduire ses dépenses annuelles de 10 000 $, ce n'est pas facile.»
Vos dépenses peuvent tout aussi bien augmenter avec l'âge, renchérit l'expert. «Aurez-vous toujours envie de pelleter la neige, de couper le gazon ou de faire votre ménage ? demande-t-il. Vous aurez peut-être besoin d'aide pour préparer vos repas.»
Ainsi, des décisions faciles à prendre maintenant peuvent être plus déchirantes une fois qu'on doit les mettre en oeuvre. Daniel Laverdière donne l'exemple d'un couple qui désire avoir seulement une voiture plutôt que deux. Financièrement, c'est un bon choix. Mais une fois à la retraite, les conjoints accepteront-ils cette réduction de leur liberté ? Hélène Gagné, pour sa part, donne l'exemple de la vente de la maison familiale. Certains couples se rendent compte qu'ils sont attachés à leur quartier et ne veulent plus partir, raconte-t-elle.
Dany Provost, vice-président de Planium, invite à bien répartir ses efforts dans le temps lorsque vient le moment de planifier ses dépenses et son épargne. «Bien des ménages se serrent la ceinture pendant qu'ils remboursent leur hypothèque et élèvent leurs enfants, pour finalement augmenter leur train de vie une fois ces deux dépenses terminées, déplore l'actuaire, fiscaliste et planificateur financier. Ils arrivent ainsi à la retraite avec des habitudes de dépenses discrétionnaires plus élevées, qu'ils doivent diminuer de nouveau lorsqu'ils quittent leur emploi, tout en ayant fait certains sacrifices plus tôt dans leur vie.»
L'auteur de Arrêtez de planifier votre retraite, planifiez votre plaisir recommande à ses clients de vivre avec un budget discrétionnaire stable afin de maintenir la qualité de vie dans la durée. Autrement dit, un particulier investira moins dans sa retraite lorsque ses dépenses familiales et immobilières seront plus élevées, mais mettra les bouchées doubles plus tard.
M. Provost donne l'exemple d'un particulier qui se rend compte qu'il a 50 000 $ d'épargne de retard en vue d'atteindre ses objectifs. «On peut lui suggérer de s'habituer à un train de vie moins élevé dès maintenant, explique Dany Provost. Ça répartit l'effort plutôt que d'imposer des sacrifices encore plus importants avant ou après la retraite.»
Estimez votre rendement
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Estimez votre rendement
Le rendement de votre portefeuille a une influence considérable sur la valeur de vos actifs à la retraite. Par exemple, un particulier qui contribue pour 23 820 $ par année à son REER (le maximum permis en 2013) à un rendement moyen de 4 % obtiendra 737 686 $ dans 20 ans, selon le calculateur de l'organisme Question Retraite. Cette somme sera de 827 013 $ grâce à un rendement de 5 %, seulement un point de pourcentage de plus. C'est ce qu'on appelle la magie des intérêts composés.
Quel rendement doit-on prévoir dans son portefeuille ? La réponse risque de décevoir les investisseurs qui misent sur des rendements élevés : de 3,25 % à 4,25 % grugés par une inflation de 2,25 %, selon les normes proposées par l'IQPF.
Est-ce trop prudent lorsqu'on sait qu'à long terme, le marché boursier réalise un rendement d'environ 7 % annuellement ? Daniel Laverdière pense que les hypothèses de l'IQPF, qu'il a contribué à rédiger, ne sont pas «prudentes, mais réalistes». «Le rendement des marchés, c'est une chose, mais l'investisseur ordinaire doit aussi payer des frais pour la gestion de ses investissements, nuance-t-il. Un fonds commun d'actions dont l'actif s'appréciera de 7 % donnera un rendement d'environ 5 % une fois les frais de gestion retirés. Et ça, si vous êtes uniquement investi en actions.»
L'IQPF estime que les frais liés aux fonds communs d'actions sont en moyenne de 2,25 %, et ceux de titres à revenu fixe, de 1,5 %.
Il y a toutefois moyen de payer des frais de gestion moins élevés. Si vous investissez par l'intermédiaire d'un compte de courtage à escompte, vous pourriez gérer votre portefeuille à moindre coût, à condition d'avoir assez de connaissances, de ne pas faire trop de transactions et de prendre de bonnes décisions d'investissement. Vous pouvez toujours trouver des fonds négociés en Bourse (FNB) par l'intermédiaire d'un compte de courtage en ligne. Généralement, les frais de gestion des FNB sont moins élevés que ceux des fonds communs.
Même si vous restez du côté des fonds communs des grandes banques canadiennes, vous pouvez obtenir des frais moins élevés en choisissant de fonds indiciels, qui reproduisent la performance d'un indice boursier. Par exemple, le fonds indiciel de la RBC Banque Royale qui suit le S&P/TSX, l'indice phare de la Bourse de Toronto, demande des frais de 0,72 %. En contrepartie, les frais de gestion du fonds d'actions canadiennes de la RBC sont de 2,05 %. Des produits similaires sont offerts par la majorité des grandes banques.
Dans tous les cas, gardez en tête les frais de gestion que vous payez lorsque vous faites vos prévisions de rendement.
Sans les frais, les normes de l'IQPF prévoient que les actions donneront un rendement annuel de 7 %, les titres à revenus fixes, de 4,25 %, et les investissements à court terme, de 3,25 %. L'inflation devrait être de 2,25 % en moyenne.